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De l’art délicat de la traduction

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CRÉDIT : COURTOISIE - SOPHIE GAGNON-BERGERON

06 déc. 2017 09:01

Passer d’une langue à l’autre sans trahir le sens des mots choisis par l’auteure, l’opération s’avère des plus délicates. L’auteure lévisienne Mélissa Verreault a traduit Ligne brisée, publié chez Québec Amérique, le premier roman de Katherena Vermette.

Il fallait trouver le ton juste pour écrire les mots d’une autre. Mélissa Verreault vient de terminer la version française, de The Break, écrit par Katherena Vermette.

Le roman raconte l’histoire d’une jeune femme métisse, victime d’une violente agression, dont les contrecoups se font sentir dans toute la communauté du quartier North End de Winnipeg.

Entre les femmes qui se relaient au chevet de l’adolescente et celles qui errent dans l’ombre, au dehors, des liens puissants se dessinent, esquissant le portrait d’une identité morcelée, présente la quatrième de couverture de l’ouvrage.

Mélissa Verrault explique qu’elle a travaillé dans le respect du texte original, tout en visant une traduction idiomatique. Elle a ainsi construit les phrases et choisi le vocabulaire de façon à ce qu’une fois traduite, une expression corresponde à la construction particulière de la langue française, sans être un simple miroir de l’anglais.

Sonner vrai

«J’ai fait en sorte qu’en français, ça sonne bien, que ça sonne vrai et authentique. Il y avait des images magnifiques en anglais, mais dites telles quelles en français, ça ne renvoyait à aucun référent. Parfois, il a carrément fallu changer une blague ou un jeu de mot, car ça n’existait pas en français», précise-t-elle.

L’auteure, qui suit des cours en traduction dans le cadre de sa maîtrise, a déjà produit les versions françaises de documents d’entreprises. Avec ce roman, elle réalise sa première traduction littéraire complète. Dans ce projet, elle a été accompagnée et conseillée par l’un de ses professeurs.

«Quand on commence, on doit gagner de la confiance en soi. Donc, ça m’a permis d’aller en chercher. Je me suis sentie entourée, ce qui m’a permis d’aller au bout de ce projet et de le terminer rapidement.»

Ouvrir les yeux

Si Mélissa Verreault a du se défaire de ses préjugés et de ses préférences personnelles, elle sait toutefois que le texte est teinté d’elle. Elle, qui a choisi un mot plutôt qu’un autre.

«On a fait confiance à ma subjectivité en pensant que ça pouvait servir le projet», ajoute-t-elle. Et c’est toute son expérience d’écrivaine qu’elle a mise au service du livre. La traductrice a même pu rencontrer l’auteure au Centre de traduction littéraire internationale.

L’occasion d’apprendre à la connaître et découvrir son sens de l’humour insoupçonné. «On s’entend, son livre n’est vraiment pas drôle. C’est assez dramatique, sombre, même s’il y a de l’espoir. Je me suis rendue compte qu’il y avait peut-être un peu plus d’humour et, je devais rester sensible à cette fibre là dans le roman. Ça m’a ouvert les yeux sur sa façon de décrire le monde.»

Valider ses choix

C’est dans des univers bien différents, que les deux femmes, ainsi que les personnages du roman, évoluent.

«Katherena Vermette est une jeune femme métisse du Manitoba et moi, je suis une jeune femme blanche du Québec», rappelle Mélissa Verreault.

Alors, comment éviter les écueils de l’appropriation culturelle? La traductrice s’est documentée. «Je ne tenais rien pour acquis. Dès que je soupçonnais qu’il puisse y avoir un enjeu culturel, je fouillais énormément. On a fait appel à des lectrices externes d’origines autochtones, et qui vivent au Québec, pour valider certains choix. Elles nous ont dit si, selon elles, le texte respectait les traditions autochtones», conclut la traductrice.

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