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La tricoteuse du train

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22 déc. 2017 09:51

Encore une fois cette année, l’auteure lévisienne Brigitte Allard nous propose un conte de Noël qu’elle a spécialement écrit pour l’occasion. Bonne lecture!

Par Brigitte Allard - Collaboration spéciale

À 22h40, j’embarque dans le train à la gare de Sainte-Foy. Un préposé vérifie mon billet. - Bonsoir  jeune homme, me dit-il.  Ton siège est par là.

Appuyé contre la fenêtre enneigée, je dévore mon sablé en forme de sapin. Une tradition chez-nous. Environ sept heures vingt minutes avant d’arriver à Matapédia. Le temps devrait passer vite avec mon téléphone.  Mon premier iPhone! Mes parents me l’ont offert tantôt en me conduisant à la gare. Mon cadeau de Noël, un jour en avance.  Les derniers passagers entrent et le train démarre.  Une dame se dirige vers le siège vide à côté de moi. Elle range son manteau en laine dans un compartiment, puis s’assoit. La dame porte une robe en laine, comme son manteau. 

- Ton premier voyage en train? me demande-t-elle.
- Oui.

La dame dépose un immense sac à ses pieds. Même ses bottes sont tricotées en laine.  

- Je prends le train le 23 décembre depuis dix ans, poursuit-elle. J’adore l’ambiance du temps des Fêtes. 

À cet instant, elle fouille dans son sac et sort une guirlande de petits pères Noël en laine. Elle attache la décoration derrière les deux bancs d’en avant.  Les personnages laineux m’observent d’un air moqueur. Avec toute cette laine autour de moi, je me sens comme un mouton tondu qui constate le dégât.

- Comment t’appelles-tu? interroge la dame.  
- Gab.
- Et ton vrai nom?
Elle sort d’où! Comment ignorer que Gab est le surnom de Gabriel. Je reste poli.
-Gabriel.  Et vous?
- Marjolaine.

Marjolaine! J’ai ma dose de laine! La dame cherche de nouveau dans son sac. Cette fois, elle sort des pelotes de laine et des aiguilles à tricoter. Va-t-elle me crever un œil si le train freine? Je me rassure lorsqu’elle enfile les premières mailles. Ma voisine prend peu de place et ne bouge que les poignets. 

- Où vas-tu Gabriel? 
- Chez mes grands-parents à Matapédia. Je vais faire de la planche au Petit Chamonix avec mon cousin.     
- Comme il a beaucoup neigé, les conditions de planche vont être excellentes!  dit-elle.

J’apprends que Marjolaine habite à Amqui.  Elle était venue à Québec exposer ses créations dans les marchés de Noël. Elle me raconte son travail d’artiste de la laine. Moi, je lui parle de mon école secondaire. De mes cours de guitare électrique. Je ne sais pas ce qui me prend à lui raconter ma vie. Elle est quand même gentille Marjolaine.  Au bout de quelques heures à jaser et à la regarder tricoter, pas besoin de compter les moutons, je m’endors. 

Soudain, j’entends le signal annonçant l’arrivée à Matapédia. Le siège à côté de moi est vide. Marjolaine a déjà quitté le train.  À demi réveillé,  j’aperçois un papier sur mes genoux. Je l’attrape et lis le message à l’odeur d’épinette. «Gab. À chaque fois que je prends ce train de Noël, je tricote une tuque pour la personne assise à mes côtés. Pour toi,  j’ai tricoté une tuque ‘‘bas de laine’’. Les ados aiment ça.  PS : Comme tu vois, elle te fait super bien. Joyeuses Fêtes! MARJORIE Xx.»

Ça me réveille d’un coup! Marjolaine s’appelle Marjorie.  Et pendant qu’on jasait, cette Marjorie-laine me tricotait une tuque.  La laine est si légère que je ne la sens pas sur ma tête. Avec mon iPhone, je me prends en photo avec ma tuque.

Wow! Des motifs de planche à neige! Tout fier, je débarque du train. Aussitôt, un farceur crie dans un porte-voix : Joyeux Noël Gab!  Impossible de manquer Gérard, mon grand-père

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