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Des espions en Nouvelle-France

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27 mai 2013 10:00

Des secrets militaires sont volés par une importante filière d'espions britanniques. Un héros entame une enquête qui le mènera plus loin qu'il ne l'aurait cru au départ. Est-ce un nouveau James Bond? Non, c'est plutôt un roman de fiction historique où l'auteur, André Sévigny, réussit l'exploit d'introduire un drame d'espionnage au cœur de la Nouvelle-France de 1712.

Par Francis Martel
f.martel@journaldelevis.com

C'est la fin de la guerre de Succession d'Espagne et le traité d'Utrecht (1713) qui devrait officialiser la paix menace de déposséder la France d'une partie de ses territoires acquis sur le nouveau continent au profit de l'Angleterre. 

Mais dans l'esprit de plusieurs, ce n'est qu'une question de temps avant que la guerre reprenne alors que du côté américain, on aimerait venger l'invasion manquée du Saint-Laurent en 1711.

Dans ce contexte, les informations stratégiques en provenance de la Nouvelle-France valent leur pesant d'or. C'est du moins que ce découvre un certain Sébastien Dieulefit qui se retrouve à la tête d'une enquête impliquant des étrangers clandestins qui donnent des secrets militaires à l'ennemi anglais. 

Ce dernier, arrivé en Nouvelle-France en 1693 avec les troupes de la Marine, se voit donc emporter dans une intrigue qui se déroule dans les rues de Québec.

Par ailleurs, pour mieux suivre les péripéties du héros, l'auteur a dressé une carte de la capitale avec la trame urbaine de l'époque. 

Histoire du peuple

Cette épopée historique a ceci de particulier qu'elle est racontée à travers la bouche du paysan, du boulanger, de la veuve éplorée ou encore de l'aubergiste. 

«Je voulais toucher à la petite population locale», explique celui qui a travaillé pendant 30 ans comme historien pour Parcs Canada.

Pour ce faire, l'auteur a réalisé un véritable travail de moine grâce à trois années de recherche dans différentes archives qui l'amène à reproduire avec une certaine justesse l'ambiance qui régnait dans la Vieille Capitale à cette époque trouble. 

«La liste de mes personnages est assez longue, mais au moins les deux tiers sont véritables. […] Les gens ayant existé, ils sont là et je leur donne la parole. […] Je n'ai jamais parlé de personne si je n'étais pas capable de la situer et de connaître sa vie», assure-t-il fièrement.  

Contexte historique

Si le drame qui menace la pérennité de la colonie est imaginé par l'auteur, il n'en demeure pas moins que le contexte historique est réel.

Ainsi, le récit démarre avec l'incendie du palais de l'intendant qui a eu lieu dans la nuit du 5 au 6 janvier 1713 et se termine par le naufrage du Saint-Jérôme sur l'île de Sable en novembre 1714, au large de la Nouvelle-Écosse. 

Ceci sans oublier que l'intrigue est bâtie autour d'une réalité peu racontée dans les livres d'histoire : la présence de prisonniers anglais qui participaient à la vie quotidienne de la colonie.

«Les Français avec les Amérindiens avaient fait des prisonniers. Et ils ne les cachaient pas dans une garde-robe. Il y en a un qui aidait le cordonnier, un autre aidait plutôt le boulanger», donne-t-il en exemple en évaluant leur nombre à environ 200.

Et dans le roman, certains se transforment aussi en espions.

M. Sévigny parvient également à toucher aux préoccupations de l'époque avec les questions de famine et d'épidémie, qui deviennent des thématiques importantes.

Mais la colère gronde dans la population et ce n'est pas seulement par manque de nourriture.

«Ça grinçait fort», illustre-t-il en ce sens. 

Car pour la première fois, les Canadiens français d'origine sont plus nombreux à vivre en Nouvelle-France que la population provenant de la mère patrie.

Ainsi, deux visions s'affrontent, soit celle des locaux qui ont sué sang et eau pour défricher ce nouveau pays et celle des représentants de l'empire colonial français qui ont tendance à percevoir le nouveau continent comme une simple occasion d'affaires. 

Ce qui fait dire à l'auteur que n'eut été de la conquête britannique, les Français auraient possiblement eu une guerre d'indépendance sur les bras.

«Je pense sincèrement que comme aux États-Unis, ça aurait fini par des revendications très poussées d'indépendance», avance-t-il en précisant qu'il s'agit d'une opinion très personnelle.

Publié chez l'éditeur Marcel Broquet La Nouvelle édition, le premier roman de M. Sévigny est disponible dans la plupart des librairies. 

SUR LA PHOTO;  L'historien André Sévigny.

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