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Lettre d'opinion - Financement des organismes communautaires : réponse à M. Watts

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Le directeur général de L'ADOberge Chaudière-Appalaches, Jonathan Dussault. CRÉDIT : COURTOISIE

26 juin 2020 10:19

Cette lettre est en réponse à celle de M. Sam Watts, PDG de Mission Bon Accueil, parue le 22 juin 2020 dans La Presse. Nous sommes d’accord sur le fond de cette lettre : le financement des OBNL doit être revu, et plus tôt que tard. Par contre, nous croyons important de faire un peu de pédagogie sur le contenu du texte.

Nommons les choses telles qu’elles sont : le financement à la mission est trop mince et épars pour régler les vrais problèmes tandis que le financement par projet est court et brime l’autonomie des groupes qui en bénéficient. M. Watts parle de l’augmentation des besoins ainsi que du nombre croissant de groupes communautaires. Ironique n’est-ce pas? Augmenter le nombre d’organismes devrait nécessairement faire décroître les besoins, mais non. Cela fait plutôt ressortir des besoins qui n’étaient pas répertoriés. De la même façon qu’en cette période de pandémie, plus on teste, plus on obtient le réel portrait de la situation et plus on arrive à intervenir rapidement en cas d’éclosion. Cette logique s’applique à la multiplication des organismes, présents dans les moindres recoins du Québec pour mesurer l’ampleur des besoins et de la détresse des populations.

Les organismes communautaires sont créés par les communautés pour combler des besoins non entendus par les services gouvernementaux. Financer des organismes en fonction de leur efficacité quantitative à répondre aux priorités gouvernementales revient à retirer leur autonomie en devenant des sous-traitants du gouvernement et en retirant la possibilité de pourvoir aux besoins émergents.

Actuellement, les sommes du Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) sont réparties selon un fonctionnement arbitraire qui ne tient pas compte des réalités diverses des organismes. Comme des enfants qui tentent de mettre les bonnes formes dans les bons trous, on tente de faire entrer une étoile dans un carré plutôt que de l’accepter comme il est. On appelle ça les typologies. Les organismes ayant une structure leur permettant d’en faire plus sont souvent réduits à en faire moins, faute d’un financement adéquat basé sur des critères trop spécifiques.

Ça nous amène aux redditions de compte : Pourquoi une maison d’hébergement aurait-elle besoin d’un frigo ou d’un toit qui ne prend pas l’eau? Nous vous épargnons l’ironie de certaines justifications. La réponse se doit d’être quantitative, ce sont les chiffres qui importent dans une reddition de compte. Mettons de côté l’approche LEAN, regardez l’effet qu’elle a eu sur notre réseau de la santé. Peut-on mesurer quantitativement l’impact d’un service qui changera qualitativement la vie d’une personne?

Faut-il une réforme? Oui, mais pas en criant ciseau. On parle quand même d’un budget de 580 millions répartis en 3500 groupes. Ça semble beaucoup, mais 1% du budget du ministère de la Santé et des Services sociaux c’est bien peu. Une goutte d’eau dans l’océan budgétaire du gouvernement. Pourtant, on en parle presque autant que le budget du réseau. Est-ce signe que cela devrait-être une priorité?

Maintenant qui obtient quoi? Quelles sont les priorités?

Présentement, l’investissement dans les organismes se fait à la pièce. Plutôt que de travailler en prévention et d’augmenter les facteurs de protection, on rapièce et on espère que ça tienne. Pour utiliser une analogie médicale, n’oublions pas que la Santé et les Services sociaux sont indissociables, cela revient à s’attarder longuement à traiter des symptômes et des effets secondaires, plutôt que de traiter la maladie elle-même. C’est à croire que personne ne souhaite faire de la prévention puisque rien ne garantit que la maladie n’apparaisse. Voilà pourquoi nous voyons naître de nouveaux organismes qui viennent répondre à des besoins non résolus.

M. Watts dit : «La pandémie suscite des inquiétudes quant à la survie d’un certain nombre d’organisations à but non lucratif, mais ce ne doit pas être le rôle des gouvernements de se préoccuper de leur survie». Le rôle du gouvernement et des organismes est le même : s’assurer que les organismes accomplissent leur mission et ainsi atteignent leur finalité. La finalité d’un OBNL étant de disparaitre une fois les besoins de la communauté comblés. Malheureusement, on ne le mesure pas à l’intérieur d’un mandat de 4 ans. C’est le fruit d’une vision à long terme.

Avec la refonte actuelle du PSOC, nous pouvons encore espérer de belles surprises et voir le financement mieux soutenir l’action des organismes. Le communautaire est le terreau sur lequel notre société croît. S’il est faible, la bonne croissance est compromise.

Ramenons à l’ordre du jour le mot prévention. Faisons confiance à nos groupes communautaires. Finançons à la mission plutôt qu’à la pièce et offrons des salaires compétitifs et de meilleures conditions à celles et ceux qui seront là pour vous lors d’un creux de vague. Soyons solidaires et soyons optimistes! Gens du communautaire, nous sommes collègues bien avant d’être rivaux, même si le financement nous place en position de compétition.

L’incertitude que nous vivons d’année en année, particulièrement ces temps-ci, ne doit pas nous faire perdre de vue notre légitimité et celle de chacun des organismes communautaires. Nous sommes complémentaires. Ne baissons pas les bras, pas cette fois encore, mais ouvrons-les bien grands pour combler des besoins grandissants.

Jonathan Dussault

Directeur général L'ADOberge Chaudière-Appalaches

Paule Dalphond

Directrice générale du Regroupement des Auberges du coeur du Québec

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