La chronique historique d’octobre 2022 qui portait sur la Société de construction permanente de Lévis et de l’éphémère Société de construction mutuelle de Lévis nous permet de nous souvenir d’une expérience plus récente, soit celle de la Coopérative d’habitation de Lévis aux débuts des années 1950. Projet qui fera sortir de terre un quartier complet sur les hauteurs de Lévis.
Par Claude Genest - Collaboration spéciale
Idée introduite par la Chambre de commerce des jeunes de Lévis en 1950, l’initiative d’un quartier développé sur la base du modèle coopératif reçoit un accueil poli. Le journal local, La Tribune de Lévis, y voit un retour de l’histoire dans un éditorial publié le 10 février 1950. On y lit que le projet «n’est pas nécessairement une trouvaille de l’heure puisque l’idée qui le guide se retrouve à 75 ans d’ici, dans la petite histoire lévisienne. Le 18 février 1875, en effet, une Société de construction mutuelle était fondée à Lévis».
Comme tout projet structurant, la gestation de cette entreprise collective ne s’improvise pas si bien que la Coopérative d’habitation de Lévis est fondée quatre ans plus tard, le 24 novembre 1954, sous l’impulsion, entre autres, de René Croteau, Laurent Éthier, Gilles Demers, Charles-Henri Paquet et Paul Gourdeau. Soucieux de la préservation de la mémoire, René Croteau rédige des années plus tard, en 2008, un résumé inédit d’une vingtaine de pages qui s’intitule La genèse du centre d’Aubigny à Lévis. Cet opuscule relate cette expérience intéressante où de futurs propriétaires ont pris en main le développement d’un quartier grâce à la formule coopérative.
Le projet initial prévoit la construction d’une centaine de maisons. Le 6 mai 1955, La Tribune de Lévis publie un plan où l’on voit le tracé des rues de même que l’emplacement des futurs bungalows et d’un parc public toujours là aujourd’hui. Géographiquement, la coopérative est située entre la rue Saint-Georges au nord et la route de la Ferme du Collège au sud (aujourd’hui la rue Champagnat) et entre la rue Saint-Omer à l’est et Samson (aujourd’hui de la rue de la Visitation) à l’ouest.
La coopérative est dirigée par un conseil d’administration de sept personnes, lequel est appuyé par un conseil de surveillance de trois membres. La part sociale est fixée à 100 $, à laquelle on ajoute une taxe d’entrée de 10 $. L’attribution des lots pour bâtir se fait par tirage au sort lors de l’assemblée générale annuelle, ce qui reflète bien l’esprit coopératif où tous les membres sont démocratiquement égaux.
C’est ainsi que naît graduellement un nouveau quartier sur les hauteurs de Lévis sur un bout de terre qui appartenait alors au Collège de Lévis, à Onésime Carrier, J.B. Desrochers et Jos-Michel Couture. Le nouveau développement est baptisé centre d’Aubigny, nom de la ville imaginée par un ancien propriétaire de la Seigneurie de Lauzon, John Caldwell, quelque 150 ans plus tôt. Soucieuse de la qualité de vie et de l’éducation de ses membres, la coopérative anime un parc central graduellement équipé d’une piscine, d’endroits pour faire des pique-niques et d’un court de tennis, équipements encore sur le site aujourd’hui.
Le document rédigé par René Croteau nous permet de bien comprendre l’évolution de cette expérience de développement immobilier coopératif du milieu du XXe siècle à Lévis. Son réflexe de mémoire avait pour but de «rappeler à ceux qui nous suivront comment les choses se sont passées». Sa démarche mémorielle est exemplaire et mérite d’être imitée dans de nombreuses autres sphères du développement économique, social et culturel d’une localité.