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Lettre ouverte - Le ministre du Travail doit surseoir à son projet de loi indigeste!

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cRÉDIT : BIGSTOCK

13 janv. 2021 03:17

Alors que l’heure est au confinement, que les rassemblements sont interdits et que tous les esprits sont occupés par la pandémie, le gouvernement a choisi d’aller de l’avant avec le plus important projet de réforme du régime québécois de santé et de sécurité du travail des quarante dernières années.

Quelle est l’urgence? Que cherche à cacher le ministre du Travail au juste? Les conditions n’étant pas réunies pour un débat public, serein et démocratique, il serait de mise de reporter la commission parlementaire qui doit débuter la semaine prochaine.

Le ministre Jean Boulet promet, depuis son arrivée en poste, une réforme en profondeur des lois encadrant la santé-sécurité au travail. Le projet fut annoncé et reporté à quelques reprises déjà en raison de la pandémie. Déposé en octobre dernier, le projet de loi doit être étudié en commission parlementaire les 19, 20 et 21 janvier. Distanciation sociale oblige, les consultations se tiendront en visioconférence par Zoom.

Le projet de loi est volumineux, plus de 120 pages, et modifie en profondeur deux lois majeures. Prétendre faire le tour de la question en trois jours est impossible, encore moins en visioconférence.

D’abord, la commission parlementaire se fera sur invitation seulement, des groupes et personnes bien choisis par le ministre. Le temps imparti aux organisations est extrêmement court. La CSN, par exemple, ne dispose que de 10 minutes pour se faire entendre. C’est bien peu pour commenter un projet de loi qui aura des impacts majeurs et différents selon les secteurs et qui aura aussi des impacts sur la vie au travail de ses membres.

De plus, des pans entiers de la population n’auront pas voix au chapitre. Aucun groupe communautaire œuvrant auprès des victimes d’accidents de travail ou de maladie professionnelle ne sera entendu. Aucun groupe de femmes non plus, même si le projet de loi propose des changements qui affectent particulièrement les femmes et même si le ministre ose qualifier son projet de loi de « réforme féministe ». Évidemment, les experts reconnus dans le domaine depuis fort longtemps n’ont pas été invités par le ministre à commenter le projet de loi. Fort probablement parce que leurs avis ne vont pas dans le sens de ce dernier.

Le sujet est trop important et touche trop de gens pour être expédié rapidement sans débat de fond. Les consultations sur le projet de loi doivent être reportées et élargies pour permettre à plus d’intervenants de se faire entendre et aux gens qui le souhaitent d’y participer en personne. La pandémie ne doit pas servir d’excuse pour bulldozer les protections en santé et sécurité des travailleuses et des travailleurs du Québec. 

Le PL 59 comporte des reculs majeurs et, pire encore, il est tellement pernicieux qu’il pourrait faire croire à certains qu’il contient des avancées pour eux. C’est de la poudre aux yeux. À vrai dire, le grand gagnant s’agirait de la CNESST qui se verra doter de pouvoirs supplémentaires. Rien sur la judiciarisation qui sclérose le secteur des accidents de travail et des maladies professionnelles depuis des décennies. Au contraire, on rajoute des leviers qui viendront complexifier davantage un parcours sinueux vers une reconnaissance d’une lésion professionnelle. 

Alors que la CNESST se gargarise chaque année quant à la réduction du nombre d’accidents de travail, rien n’est plus loin de la vérité. Les travailleurs et les travailleuses du Québec le voient avec les augmentations fulgurantes de leurs assurances collectives, car ils n’en peuvent plus de la répression subie s’ils osent déclarer leur accident auprès de la CNESST. Ils se tournent alors vers les assurances collectives et la CNESST s’en lave les mains.

Et le ministre se permet de rajouter à ce projet de loi indigeste qu’il compte faire des économies de 4,3 milliards de dollars de façon cumulative sur 10 ans tout en baissant, encore, les cotisations des employeurs dans certains secteurs.

Le projet de loi 59 devrait avoir comme seul objectif de protéger davantage les travailleuses et les travailleurs de l’insouciance de leur employeur en leur assurant des milieux de travail sains et sécuritaires. Monsieur le ministre, ils ne méritent rien de moins, mais vous manquez lamentablement ce rendez-vous qui est fondamental pour des milliers de personnes!

Ann Gingras, présidente
Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN)

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