jeudi 25 avril 2024
Votre Journal. Votre allié local.

Opinion du lecteur > Opinions-débats

Lettre d'opinion - Un cours nécessaire pour notre société

Les + lus

CRÉDIT : MCHE LEE - UNSPLASH

09 nov. 2021 01:58

Je suis un enseignant au secondaire qui donne le cours d’éthique et de culture religieuse (ECR) depuis le début de sa création. Ces temps-ci, je lis les articles concernant l’abolition de ce cours et je ne me reconnais pas du tout dans plusieurs commentaires par rapport à cette décision du gouvernement.

En effet, certains parlent de ce cours comme étant toxique, visant à introduire un enseignement religieux multiconfessionnel à l’école, réduisant la culture à la religion, étant une propagande au service du multiculturalisme et de l’idéologie des accommodements raisonnables, étant un endoctrinement qui véhicule des préjugés et des stéréotypes, etc.

Même dans les arguments du ministre pour justifier l’abolition de ce cours, je ne me reconnais pas. Pourtant, il paraît qu’il a déjà enseigné ce cours. Surprenant! À croire tous ces commentaires, le cours que j’ai donné pendant ces années est un tort pour la formation de nos jeunes.

Or, je tiens à affirmer que mon enseignement n’a rien à voir avec ces commentaires. Effectivement, jamais je n’aurais accepté de donner un cours qui endoctrine les élèves en véhiculant des préjugés et des stéréotypes. Je constate que, malheureusement, plusieurs individus prennent la parole publiquement sans connaître le contenu du cours. D’ailleurs, soulignons que le cours d’ECR apprend aux élèves à bien connaître le sujet avant de prendre position.

Mais qu’est-ce que j’ai enseigné avec le cours d’ECR depuis plusieurs années?

L’objectif du cours d’ECR est de développer l’esprit critique. Je suis surpris de lire que des personnes pensent que le cours d’ECR a évacué totalement le développement du jugement critique. Pour votre information, il y a trois compétences à enseigner dans le cours d’ECR: réfléchir sur des questions éthiques, manifester une compréhension du phénomène religieux et pratiquer le dialogue. Je vous invite à lire le programme du cours pour en savoir davantage sur les contenus de ces trois compétences.

Or, ce que je peux vous dire, selon mon expérience, c’est que ce cours est vraiment une nécessité pour notre société. Pendant ces années, j’ai sans aucun doute développé l’esprit critique chez les jeunes. C’est pourquoi je crois que nous ne devons pas diluer la démarche éthique dans le prochain cours et qu’elle devrait rester le centre du contenu.

Ce que je comprends de ce changement, c’est que le nouvel objectif sera d’enseigner la culture et la citoyenneté québécoise. En passant, comment allons-nous définir la culture et la citoyenneté québécoise? À suivre! Personnellement, je ne crois pas que ce nouveau cours soit un besoin essentiel de notre système d’éducation. Oui, il est important de redonner la fierté à la nation québécoise, mais je serai encore plus fier de notre culture si les Québécois et les Québécoises pouvaient exercer leur esprit critique adéquatement.

La pandémie, avec toutes ses faussetés véhiculées, nous met en plein visage la nécessité de développer le jugement critique. Il y a tout un travail à faire en ce domaine et c’est ce que le cours d’ECR avait comme but. Bref, l’objectif principal du nouveau cours serait donc la culture et l’identité québécoise et non de développer l’esprit critique par l’apprentissage d’une bonne démarche éthique. Cela me déçoit!

Pour plusieurs, le problème du cours d’ECR est la question de la culture religieuse. Je crois que la compréhension du phénomène religieux dans notre culture est importante et essentielle. Être dans une société laïque, ce n’est pas d’évacuer l’enseignement des religions. En tant qu’enseignant, j’ai toujours eu la préoccupation d’enseigner les religions pour aider les élèves à comprendre l’autre dans ses croyances. Ce qui permet de briser des barrières pour le mieux vivre ensemble.

Or, l’ignorance du phénomène religieux amène des préjugés et des peurs de l’autre. En effet, il s’agit d’écouter les commentaires de certaines personnes sur les religions pour constater cette ignorance qui alimente les préjugés et les stéréotypes dans notre société. N’oubliez pas que l’enseignement des religions se fait toujours en développant l’esprit critique chez les jeunes. Par exemple, en cinquième secondaire, le programme nous permet d’aborder les dangers des dérives sectaires et de l’extrémisme religieux.

Bref, je ne suis pas pour le fait d’évacuer l’apprentissage des religions. Le cours ne cherche pas à valoriser le religieux mais à le comprendre. L’enseignement des religions se fait d’une manière rigoureuse afin de développer un esprit de discernement. Il n’y a pas de propagande comme plusieurs le croient.

Le cours d’ECR que je donne présentement est vraiment pertinent pour notre société. J’en suis profondément convaincu. Je crois qu’au lieu de l’abolir, il aurait été préférable de l’améliorer à partir de l’expérience vécue depuis des années. Effectivement, les jeunes sont confrontés à divers courants de pensées et de croyances véhiculés par les réseaux sociaux. Ainsi, il est souvent difficile de faire la différence entre le vrai et le faux. Alors, le cours d’ECR donne des outils pour aider le jeune à développer son esprit critique et à pratiquer le dialogue. Cette compétence du dialogue à développer est une clé importante pour le mieux vivre ensemble.

Bref, je suis vraiment déçu d’entendre que, pour toutes ces années d’enseignement, j’aurais supposément alimenté des préjugés et des stéréotypes en donnant ce cours. Toutefois, ce n’est pas le cas.

Au contraire, je crois que j’ai contribué positivement à notre société en développant l’esprit critique chez les jeunes par l’enseignement proposé dans le cours d’ECR, esprit critique qui permet de critiquer présentement ce cours lui-même. Je terminerai en disant que, dans une société démocratique, il est essentiel de développer l’esprit critique, tant chez les jeunes que chez les adultes!

Cependant, je suis déçu de constater que le nouveau cours ne semble pas mettre en priorité le développement du jugement critique, mais plutôt celui de la culture et de la citoyenneté québécoise. En ce qui me concerne, ce choix semble davantage motivé par des considérations politiques. Dommage!

Jean Beaudoin

Saint-Vallier

Les + lus