La décision du comité de démolition de la Ville de Lévis, prise le 3 juillet en séance publique, a mis fin aux espoirs des citoyens mobilisés pour la sauvegarde de la bâtisse plus que centenaire. La résidence de l’ancien dirigeant de la Banque nationale, qui lui a donné son nom, laissera place à un immeuble de condos.
Il aura fallu plus d’un an et demi, du dépôt de la demande en octobre 2016 jusqu’à mai 2018, au comité de démolition pour rendre sa décision, un délai qui s’explique par le caractère «exceptionnel» du dossier, indique le procès-verbal, dont le Journal a eu connaissance.
Car, le 6410 de la rue Saint-Laurent est «un bâtiment patrimonial d’exception, dont les attributs architecturaux, l’histoire ainsi que sa localisation particulière et stratégique sont tout à fait remarquables», a reconnu le comité.
Après avoir «étudié toutes les mesures possibles de sauvegarde de cet immeuble», il a finalement rendu sa décision à la lumière des expertises réalisées entre 2014 et 2017. Vétusté du bâtiment, coûts «prohibitifs» d’une restauration et échecs répétés des projets de sauvegarde sont mentionnés afin de justifier la décision.
«Il aura ainsi fallu dix ans pour que le propriétaire Jacques Laflamme arrive à ses fins : la démolition de cette maison patrimoniale fera place nette afin d’y implanter un projet de condominiums à haute densité permettant ainsi d’engranger un profit démesuré au détriment du patrimoine lévisien», a dénoncé le comité de mise en valeur de la Maison Rodolphe-Audette dans un communiqué, à l’annonce de cette décision.
Une première demande en 2014
En mars 2014, une première demande avait débouché sur une décision favorable du comité de démolition, mais s’était soldée par un rejet lors de l’appel devant le conseil municipal en novembre. Parmi les documents annexés à la fiche de prise de décision, la lettre de demande de permis de démolition indiquait qu’en 2013, un projet, de trois condos situés dans la maison rénovée et de six condos dans un immeuble annexé à la résidence, avait été déposé. Mais en novembre, des entrepreneurs, qui n’avaient pu donner de garantie sur les travaux de rénovation, l’avaient déconseillé.
L’entreprise EMS, mandatée pour déterminer s’il serait possible de réhabiliter le bâtiment, avait observé dans le rapport sommaire de l’expertise, que le bâtiment était «dans un état d’abandon», et conclu à l’impossibilité de réhabiliter le bâtiment vétuste et non récupérable. «Nous sommes d’avis que la seule solution judicieuse à mettre en place suivant l’analyse de l’état du bâtiment est la démolition.»
Protéger les bâtiments patrimoniaux
Pourtant, dans un communiqué de la Ville daté de décembre 2014, il était écrit qu’«en raison de conclusions mitigées dans les rapports d’experts, le conseil municipal a décidé de rejeter la démolition de la Maison Rodolphe-Audette». Le maire Gilles Lehouillier avait alors déclaré : «Ce cas illustre bien le laisser-aller dans la protection de nos bâtiments patrimoniaux. Nous entendons donc tout mettre en œuvre pour en assurer leur protection. Dorénavant, la Ville de Lévis s’assurera de l’entretien d’une propriété ou d’un terrain à valeur patrimoniale par tout propriétaire qui s’en portera acquéreur.»
Le sort de la bâtisse avait même été abordé lors de l’élaboration du programme particulier d’urbanisme du Vieux-Lévis (PPU) de juillet 2017. «Les nouvelles vocations de certains bâtiments […], tels que la maison Rodolphe-Audette […] sont à déterminer» (p.44). Notant le site stratégique de la maison et ses attributs architecturaux, le PPU recommandait d’analyser l’état de vétusté, afin qu’une décision puisse être rendue par le comité de démolition, et que «le projet de remplacement reproduise le gabarit, la volumétrie et les attributs architecturaux du bâtiment» (p.62).
Une mobilisation continue
De son côté, le comité de mise en valeur de la Maison Rodolphe-Audette regrette aujourd’hui que l’engagement du maire ne se soit pas traduit par des actions concrètes. Depuis la première décision du comité de démolition en 2014, des citoyens se sont mobilisés pour sauver la maison en envoyant des dizaines de lettres d’opposition et en étant présents lors des séances publiques de la Ville. Le comité a proposé un projet d’éco-musée populaire dédié à l’interprétation de l’histoire et de la généalogie à Lévis et dans la région, déposé au conseil municipal en août 2017 et resté lettre morte.
«Au cours de toutes ces années, les citoyens ont largement manifesté leur intérêt en faveur de la Maison Rodolphe-Audette. […] La mobilisation exprimée lors de ce processus démontre donc de façon extrêmement claire cette adhésion et l’attachement des citoyens de Lévis à ce bâtiment en particulier», rappelle le comité de mise en valeur.