Comme les autres corps de police à travers la province, le Service de police de la Ville de Lévis (SPVL) a récemment pu profiter d’une aide financière du ministère de la Sécurité publique du Québec pour concrétiser un projet pour lutter contre la violence conjugale et prévenir les féminicides. Le corps policier lévisien a désormais son agent pivot en violence conjugale afin d’atteindre ces objectifs.
Rappelons d’emblée que c’est en raison de la vague de féminicides qui a frappé le Québec, en 2021, que le gouvernement du Québec a mis en place un plan d’action, dont l’une des mesures est d’ajouter des effectifs dédiés à la violence conjugale dans les corps de police de la province. En 2020, une augmentation de 33 % des appels en violence conjugale a été enregistrée au Québec. L’an dernier, cette année noire en lien avec la violence conjugale s’est notamment conclue avec 18 féminicides.
Comme ailleurs dans la province, Lévis n’échappe pas au nombre important de cas de violence conjugale. En moyenne, le SPVL traite chaque année 270 dossiers de violence conjugale. Bon an, mal an, le corps policier lévisien répond aussi en moyenne à 240 dossiers de chicanes conjugales.
Bien au fait de cette réalité comme il siège depuis une vingtaine d’années à la Table de concertation en matière de violence conjugale du Grand Littoral, l’agent Christian Cantin, alors membre de l’équipe des affaires publiques, des relations avec la communauté et de la prévention du SPVL, a immédiatement senti un appel lorsque son employeur a lancé un appel de candidature pour son nouveau poste d’agent pivot en violence conjugale.
«Quand j’ai vu l’appel de candidature à mon retour de vacances, j’étais sidéré parce que ça me correspondait entièrement. En raison de mon implication au sein de la table de concertation, je suis très sensible à la violence conjugale et je savais que je pouvais faire une différence. Ça m’intéressait beaucoup et je ne regrette aucunement mon choix. Si cela est possible, je me vois bien terminer ma carrière à ce poste», a partagé Christian Cantin, lors d’une entrevue avec le Journal le 20 juillet.
Tisser des liens
Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, le policier doit d’abord améliorer la prise en charge et l’accompagnement des victimes ainsi que rehausser la surveillance des personnes reconnues coupables de violence conjugale, à toutes les étapes du continuum d’intervention.
Pour ce faire, Christian Cantin entre en contact avec la victime quelques jours après que son ou sa conjoint.e. a été arrêté.e par les policiers pour violence conjugale. À ce moment, il peut s’assurer de répondre aux questions que la victime peut avoir, de s’assurer qu’elle est en sécurité et de la référer aux ressources d’aide de la région.
Phénomène qui survient à plusieurs reprises à la suite de l’intervention des policiers dans les cas de violence conjugale, l’agent pivot en violence conjugale œuvre aussi sur les retraits de plainte. Lorsqu’une victime partage son désir aux policiers d’entamer une telle procédure, Christian Cantin et l’intervenante du Centre d’aide aux victimes d’acte criminel vont à la rencontre de cette dernière pour s’assurer que cette décision est mûrement réfléchie. Si la victime veut toujours retirer sa plainte, l’agent pivot en violence conjugale et l’enquêteur attitré au dossier rencontrent par la suite cette dernière et concrétise la procédure.
S’il est en fonction, Christian Cantin représente également le SPVL dans les cellules de crise qui sont mises en place si des intervenants estiment qu’un cas de violence conjugale est de code rouge. Selon le système d’évaluation en place au Québec, une telle alerte est synonyme de danger immédiat pour une personne et les intervenants présents au sein de la cellule travaillent ensemble pour la protéger.
«Notre objectif, c’est de la mettre la victime au centre de l’intervention et de la protéger au maximum. Pour s’assurer du filet de sécurité, on veut donc assurer des suivis auprès des victimes. Avant, pendant et après l’intervention policière, les victimes ont vécu une tempête d’émotions et elles ont plusieurs questions auxquelles je peux répondre. […] Avec le projet, ce qu’on veut réitérer, c’est que la violence conjugale sous toutes ses formes est inacceptable et qu’il y a de l’aide pour s’en sortir», a illustré M. Cantin.
Également, l’agent pivot en violence conjugale entre en contact avec les contrevenants, s’ils désirent lui parler. «Après les avoir mis en garde comme je suis policier, s’ils acceptent de me parler, on n’aborde aucunement le dossier pour lequel ils sont accusés. C’est dans une optique de relation d’aide et je les réfère à des organismes qui peuvent les aider, comme le Centre Ex-Equo et Partage au masculin», précise-t-il.
Dans une optique de prévention, Christian Cantin échange également avec les couples qui ont été au cœur d’interventions du SPVL pour une chicane conjugale. En les référant à des organismes qui peuvent les aider, l’agent pivot en violence conjugale les prévient aussi que ce type de cas peut souvent devenir une pente glissante vers la violence conjugale. Dans le cadre de ses fonctions, Christian Cantin entretient aussi les liens entre les différents organismes lévisiens concernés par la violence conjugale et il est une personne-ressource dans ce domaine pour ces collègues du SPVL.
Déjà des succès
Depuis son arrivée officielle en fonction en avril, l’agent pivot en violence du SPVL semble avoir répondu à un grand besoin. Christian Cantin a actuellement environ 150 dossiers actifs. À peine quelques mois après qu’il s’est lancé à la tâche, il peut d’ailleurs déjà se réjouir d’avoir concrétisé des changements positifs, autant chez des victimes que chez des contrevenants.
«On sentait qu’il y avait un vide. Lorsqu’un événement de violence conjugale survient, les patrouilleurs interviennent, mais ils répondent à l’urgence et il est difficile pour eux ensuite de réaliser des suivis. Les enquêteurs, leur mission principale, c’est de récolter de la preuve. Les victimes à qui j’ai parlé sont contentes parce qu’elles ont accès à une ressource policière qui peut répondre à leurs questions 7 à 12 jours après les événements. Mon rôle améliore beaucoup la communication avec les différents intervenants impliqués dans un cas de violence conjugale, soit la victime, le contrevenant, les policiers et les organismes d’aide. Je mets de l’huile dans l’engrenage. C’est vraiment un gros gros plus», a conclu Christian Cantin.