«Ça a commencé alors que j’étudiais au cégep en psychologie et, un moment donné, j’avais un ami qui avait une caméra. Ça a été comme un coup de foudre, je me suis mis à faire que ça. J’avais toujours une caméra dans le cou, je faisais beaucoup de photos», partage-t-il d’emblée au matin du 5 juin entre les murs de son studio, accompagné d’une trame sonore classique en arrière-plan.
S’il étudiait en psychologie, c’est par dépit puisqu’il cherchait encore ce qu’il allait choisir comme carrière. Avec sa toute nouvelle caméra accrochée à son cou, il tente de s’inscrire tardivement à la première cohorte du cours de photographie au Cégep du Vieux-Montréal. Il raconte même qu’il s’est présenté sur place afin de rencontrer les responsables du programme afin qu’ils le sélectionnent malgré qu’il n’y ait plus de place. Puis, au mois d’août, le téléphone sonne, une place s’était libérée, il entamait ce qui allait devenir son parcours professionnel et gradue en 1975.
Il se trouve un emploi dans un laboratoire photo et ne se sent pas à sa place, il démissionne. Occupé par les préparatifs de son mariage à venir, il prend une pause. En 1976, il est embauché au Studio Gosselin et y demeure pendant presque trois ans. Cependant, la fibre entrepreneuriale résonnait chez lui.
«Je viens d’une famille d’entrepreneurs. Mon père était entrepreneur en construction, il avait un magasin général aussi, forcément que j’avais ça quelque part en moi. En rentrant chez Gosselin, j’avais déjà l’idée d’avoir mon studio à moi», souligne Carol Caron.
L’ouverture
C’est en 1978 que le Lévisien originaire du Bas-du-Fleuve acquiert le 220, rue Saint-Joseph dans le Vieux-Lauzon. Après plusieurs travaux de rénovation, il ouvre officiellement le Studio Caron, le 9 avril 1979.
«Le début s’est entamé doucement, mais avec une certaine opportunité puisque le Studio Gosselin arrêtait de faire des mariages, donc on m’a référé cette clientèle. J’ai ouvert en avril et cette année-là, je dois avoir fait environ 25 mariages sans publicité», se souvient le photographe.
Déjà à cette époque, il offrait les services de portraits d’individu, de famille, de bébé, les photos de mariage ainsi que commerciales. La demande était forte, si bien qu’il s’est associé avec une ex-collègue du Studio Gosselin pendant un bref moment en 1985. Pendant cette année et demie, son chiffre d’affaires est passé de 60 000 $ à 120 000 $, l’entreprise a également ajouté à son offre les services d’encadrage et de laminage.
Avec cet ajout, Carol Caron se trouvait de plus en plus à l’étroit entre les murs de son local. En 1990, il fait l’acquisition de la bâtisse de l’autre côté de la rue, qui abrite toujours le Studio Caron, et déménage. Ce moment charnière a permis de faire évoluer l’entreprise encore plus, relate-t-il.
La technologie
Il ne va pas sans dire que la technologie entourant la photographie s’est grandement affinée au cours des 46 dernières années.
«Quand je travaillais chez Gosselin, je m’occupais des portraits et ça se faisait encore avec l’ancienne technologie. Toutes les photos étaient faites en noir et blanc, on se mettait un voile sur la tête pour photographier, comme dans les vieux films. Et on ajoutait une peinture à l’huile par-dessus le noir et blanc. J’ai commencé avec le même principe en ouvrant le Studio Caron», indique le Lévisien.
L’adaptation à la nouveauté a été facile pour Carol Caron. Si bien qu’en 1994, il achète son premier ordinateur et, déjà, il était à l’avant-garde de ce qu’allait devenir le traitement de photos. Il reconnaît que les technologies d’aujourd’hui facilitent grandement le métier.

C’est en 1990 que Carol Caron a déménagé l’autre côté de la rue Saint-Joseph pour s’installer dans la bâtisse qui abrite encore aujourd’hui le Studio Caron. - Photo : Alexandre Bellemare
De la ténacité et de la simplicité
L’heure de la retraite a sonné pour l’entrepreneur du Vieux-Lauzon, lui qui a été incommodé par un problème de santé qui lui a fait réaliser qu’il était temps de tourner la page.
«J’ai essayé de fermer l’année dernière et je n’ai pas réussi. Cependant, j’ai été capable de réduire mon nombre d’heures à trois jours par semaine. Puis l’automne passé, j’ai fait un AVC et là, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête, que je me repose. Il y a tellement d’autres choses qu’il me reste à faire dans ma vie. La décision s’est prise à ce moment-là et j’ai fermé ce printemps», confie celui qui est âgé de 74 ans.
M. Caron demeure humble face à sa longue carrière, lui qui a tout fait de ses mains et la plupart du temps, seul, soutenu par sa femme, de la photographie en passant par le traitement de ses photos et la rénovation de ses locaux.
«J’étais entrepreneur, mais je n’ai pas poussé plus loin que mes limites. Je suis resté ici avec le principe de tout faire tout seul sans devenir trop gros. Je suis quelqu’un qui aime bricoler et rénover et j’entretenais la bâtisse moi-même également. Tout ça en continuant d’ouvrir le Studio Caron tous les matins. J’ai fait ça toute ma vie, explique-t-il avec simplicité. Je suis tenace, j’ai toléré et ça n’a pas été une mine d’or, mais je suis quelqu’un de persévérant et travaillant. Je n’ai jamais espéré avoir une Mercedes dans la cour. Mon succès, c’est plutôt le bonheur que j’ai eu à travailler avec mes clients et apprendre à les connaître.»
Maintenant que la retraite a sonné, il attend qu’un commerce souhaite louer son local de la rue Saint-Joseph pour définitivement mettre la clé dans la porte. Déjà, il profite de sa retraite, lui qui bricole, rénove, se balade à moto et planifie un voyage en Europe, conclut-il avec un sourire de satisfaction fendu jusqu’aux oreilles.