«Ça a été un coup de tête de lancer le CPSL, il y a eu une opportunité», raconte Maude Julien qui avait alors tâté le pouls du côté de Québec. Après un refus dans la Vieille-Capitale, la directrice, qui est notamment la fille de celui à l’origine du courant de la pédiatrie sociale au début des années 90, Dr Gilles Julien, a eu l’idée d’implanter ce genre de services dans sa région, celle de Lévis.
«Je me rappelle me coucher tous les soirs et me demander si l’organisme allait vivre au moins une année et si on allait être capable d’offrir des services. 15 ans plus tard, nous sommes toujours là.»
C’est en suivant une croissance «raisonnable et à la hauteur de ses moyens» que le CPSL a grandi alors qu’il ne comptait que Maude Julien et Dr André Rousseau dans ses rangs au tout début. Aujourd’hui, le centre lévisien a une équipe d’une quinzaine de personnes qui œuvrent à son fonctionnement et à offrir ses services à près de 12 000 enfants du territoire. Chacun des éléments ajoutés à l’équipe a été mis en place pour répondre à un besoin exprimé par les enfants et leur famille, assure la fondatrice.
«Il y a beaucoup de clientèle et il y en aura toujours. Ce n’est pas demain la veille qu’il n’y aura plus personne dans une posture de vulnérabilité. On a une conjoncture économique qui n’est pas favorable pour personne. Donc, c’est encore plus dur pour les familles qui avaient une disposition à la vulnérabilité.»
Plus les années avancent, plus les besoins changent et plus la clientèle se diversifie, ce qui amène l’organisme lévisien à revoir constamment ses pratiques et ses façons de faire pour qu’elles soient le plus actuelles et adaptées.
«Au cours des dernières années, on voit un nouveau portrait de la clientèle avec la présence plus importante de l’immigration sur notre territoire. C’est un nouveau portrait éphémère parce que ces nouveaux arrivants arrivent souvent avec un bagage d’expériences assez impressionnant, mais ne peuvent pas travailler dès la première année. Sauf qu’une fois sur le marché du travail, leur vulnérabilité est de très courte durée», ajoute Maude Julien.
Démystifier et financer la pédiatrie sociale
S’il y a 15 ans, la pédiatrie sociale ne disait pas grand-chose à bien des gens, cette approche est encore méconnue.
Rappelons que le CPSL a pour mission d’accueillir et accompagner les enfants issus d’un milieu vulnérable afin de favoriser leur développement optimal, leur santé physique ainsi que leur bien-être. Avec une approche interdisciplinaire, les travailleurs sociaux, infirmiers et médecins, pour ne nommer que ceux-ci, travaillent ensemble pour soutenir les besoins des enfants de 0 à 18 ans. Ces suivis s’étalent habituellement sur plusieurs années, chose que le système de santé publique n’a pas le luxe d’offrir au sein de ses établissements de santé.
«La pédiatrie sociale, c’était très peu connu il y a 15 ans et je dirais qu’encore aujourd’hui, j’explique ce que c’est pratiquement tous les jours. […] Les familles qui viennent ici savent très bien ce qu’on est capable de faire pour les accompagner et les soutenir et la reconnaissance de la pédiatrie sociale par le ministère de la Santé, ça nous apporte beaucoup, mais ce sera toujours à démystifier la pédiatrie sociale», reconnaît la Lévisienne.
En ce qui a trait au financement de l’organisme, ce dernier est financé à hauteur du tiers de son budget par l’État, les deux tiers restants sont obtenus via des donateurs issus de la communauté. Ainsi, le CPSL doit innover chaque année pour trouver des façons de financer son organisation et continuer d’offrir ses services via des événements caritatifs, dont notamment la fameuse guignolée.
«L’enjeu du financement va toujours y être et il y a beaucoup d’autres organismes qui dépendent de donateurs. Ce qui fait qu’on s’est démarqué à travers le temps, c’est qu’on a fidélisé certains donateurs. On ne se cachera pas que la cause des enfants, ça rejoint la population», explique la directrice.
Des réussites et des défis
Au fil des années, l’infirmière de formation souligne que l’impact des services de l’organisme dans la vie des enfants est sans aucun doute son plus grand accomplissement.
«Nos plus belles réussites en 15 ans, ça reste les jeunes. Quand un enfant qu’on a accompagné pendant des années revient des années plus tard nous remercier d’avoir été dans sa vie, c’est une réalisation et une paie qui ne peuvent pas se quantifier ni se mesurer. C’est très gratifiant, ce sont de beaux gains pour nous, partage-t-elle avec émotion. C’est un défi que j’ai accepté de relever avec tout plein de monde, c’est vraiment une belle réussite. De voir les réussites, la différence qu’on fait et les remerciements des familles, c’est ce qui nous propulse vers la suite et qui nous amène à tout le temps vouloir continuer.»
Pour Maude Julien et son équipe, les défis sont nombreux et stimulants pour la suite. Fraîchement relocalisé temporairement dans de nouveaux locaux, le CPSL espère se trouver un nouveau nid mieux adapté pour offrir ses services. L’organisation souhaite continuer d’ajouter des services à son offre et poursuivre le renouvellement constant de ses façons de pratiquer et d’intervenir. L’ouverture d’un point service dans l’ouest de la ville et la proposition de ses services dans la région de Bellechasse sont aussi des projets qui font rêver la fondatrice du CPSL.
«La vulnérabilité et la pauvreté, on ne va jamais pouvoir les enrayer totalement, mais si on peut aider des personnes à se sortir d’un tel environnement et leur montrer qu’il existe d’autres voies. Ils finiront par faire leur propre choix, mais c’est porteur pour une société de pouvoir offrir des options», conclut Maude Julien.