Par Aude Malaret
La violence et la résolution de conflits, le respect des différences, les droits et les responsabilités, l’estime de soi, les règles de vie, l’intimidation, l’empathie, tous ces thèmes sont abordés par l’Atelier Bleu M’ajjjiiik dans le matériel pédagogique et les spectacles créés par la compagnie théâtrale.
Pendant les années pandémiques et postpandémiques, l’Atelier Bleu M’ajjjiiik a vu les demandes exploser pour ses ateliers de jeu et d’interprétation théâtrale, d’initiation à l’art de la marionnette et à la Commedia Dell’Arte.
Ces activités sont plus particulièrement choisies par les enseignants qui souhaitent mettre en place des moyens pour faire reconnecter les élèves entre eux. Ces ateliers permettent aussi aux élèves de développer leur aisance orale, leur imagination ainsi que le sens du partage, la coopération et l’écoute de l’autre.
«Le théâtre aide les enfants à apprendre à communiquer ensemble, il permet la communication dans le sens de se mettre à la place de l’autre, de penser avec l’autre, d’être en coopération, de parler d’un sujet et de le comprendre», souligne Louis Cartier, le codirecteur artistique de l’Atelier Bleu M’ajjjiiik.
Des mises en situation
Les spectacles comme les ateliers proposés par la compagnie sont élaborés à partir du vécu des enfants recueilli lors de la création du matériel. Les activités amènent ainsi les jeunes dans des interactions qu’ils peuvent rencontrer au quotidien. Ces mises en situation sont suivies par un temps de rétroaction pendant lequel les enfants peuvent s’exprimer et partager leur expérience.
«Les enfants voient très peu de théâtre et ne sont plus habitués à en voir. Avec le théâtre, à la différence des écrans, il y a un contact plus direct, une façon différente de voir et de percevoir les choses, explique Louis Cartier. Ce qui est impressionnant, c’est que les enfants sont extrêmement bons dans les mises en situation. On est impressionné et ça arrive souvent qu’on voit les enseignants pleurer.»
«Un enfant qui vit de l’intimidation, parfois c’est lui qui vient en avant pour dire ce qu’il vit. Et, quand c’est un enfant qui fait de l’intimidation, il vient dire qu’on ne devrait pas le faire et qu’il faudrait qu’il arrête. Il est capable de se poser des questions», illustre-t-il.
Un atelier en préparationsur l’incivilité
Ces deux dernières saisons, les artisans de l’Atelier Bleu M’ajjjiiik ont beaucoup entendu parler du non-respect des différences, des très jeunes enfants rivés à un téléphone portable et aussi de l’incivilité des élèves et des parents par le personnel enseignant. Alors, la compagnie a décidé de mettre sur pieds un atelier sur le thème de l’incivilité.
«L’incivilité des parents se transposent chez les enfants, parce que les enfants les imitent. Il y a un gros problème d’incivilité qui augmente. On le voit dans certains sports, dans la façon dont les parents parlent aux arbitres par exemple, comment les adultes se comportent dans les estrades. On le voit aussi dans la façon dont les parents conduisent dans les zones scolaires», partage Louis Cartier.
«Quand un adulte parle de façon négative de quelqu’un devant un enfant, les enfants se donnent aussi le droit de le faire ou d’invectiver d’autres camarades de classe. Sauf que c’est devenu permanent et que les médias sociaux ont accentué le phénomène, les politiciens aussi. Ce qui fait que les gens ne savent plus comment se retenir. Pourtant, si on est dans un milieu bienveillant, les enfants vont être bienveillants», ajoute-t-il.
Partir du vécu des enfants
Afin de créer ce nouvel atelier sur le thème de l’incivilité, la compagnie est présentement dans la phase de recherche, «pour voir comment chacun des enfants va comprendre le thème et quelle image ils en ont», note le codirecteur artistique. «On enregistre les enfants, on va chercher certaines petites phrases et on met ça bout à bout en faisant des liens. C’est comme ça qu’on crée les pièces de théâtre», explique-t-il.
Ce travail permet d’observer l’évolution de la compréhension de cet enjeu par les enfants selon leur âge et de comprendre ce qu’ils perçoivent et ce qu’ils ne perçoivent pas, ce dont ils ne sont pas conscients et ce que veulent dire les mots pour eux. L’objectif est ainsi de partir du concret pour faire réfléchir les enfants sur ce qu’ils vivent.
Grâce à ce processus, la compagnie peut créer plusieurs versions de ses activités afin qu’elles soient adaptées aux différentes tranches d’âge. Le matériel tient donc compte des transformations que peuvent vivre les jeunes au cours d’une année et de leur transformation psychologique, de leur évolution en rapport avec le type de langage. Par le théâtre, la compagnie veut finalement amener les enfants à avoir plus d’empathie et être plus altruistes.
Depuis ses débuts en 1986, l’Atelier Bleu M’ajjjiiik a donné 7 607 représentations dans 3 432 lieux, dans 840 villes différentes et 10 provinces, devant 1 067 458 spectateurs. Aussi, 680 ateliers pédagogiques ont été offerts à 14 077 élèves.