Née en 1932 à Dolbeau au Lac-Saint-Jean, Jacline Bussières a toujours été animée par l’art, comme en témoignent les dessins de son enfance qu’elle avait encore en souvenir chez elle, raconte sa fille. C’est dans la vingtaine que celle-ci s’est toutefois lancée dans sa carrière professionnelle en tant qu’artiste.
Dès les débuts, sa formation artistique a été assurée par nul autre quelle même, artiste autodidacte qui travaillait davantage l’émail. Avec les années, elle a toutefois redirigé sa pratique vers la sculpture et la peinture et a suivi quelques cours et formations pour parfaire ses techniques.
Impliquée dans sa région, la Lévisienne a notamment contribué à la fondation de l’École des arts de Dolbeau, à la création de la Corporation des Artisans du Lac-Saint-Jean et à la venue d’artistes dans sa région par son implication avec les Jeunesses musicales. Elle a également été responsable de la culture à l’Hôtel de Ville de Dolbeau, présidente de l’Association culturelle Louis-Hémon du Lac-Saint-Jean ainsi que la première femme à devenir membre de la Chambre de commerce de Dolbeau, le tout avant de déménager à Lévis, dans le secteur Saint-Nicolas, en 1978.
Grandement inspirée par les mouvements féministes de l’époque, Jacline Bussières est allée donner un atelier sur l’art lors du tout premier Sommet mondial des femmes à Montréal en 1990.
Une nouvelle étape
Arrivée dans sa nouvelle ville, Jacline Bussières a pu ouvrir son propre atelier-galerie dans le quartier Petit Champlain du côté de Québec en 1980, alors que le secteur étaient en pleine effervescence et en développement à l’époque.
Elle faisait ses affaires à sa manière comme raconte sa fille et faisait toujours confiance que tout allait bien tourner que ce soit en vendant un tableau à un Australien, attendant le chèque dans la poste, ou encore en autorisant une jeune femme qui n’avait pas les moyens de lui payer son tableau avec un paiement mensuel de 10 $ sur de nombreux mois.
«De voir que les gens aiment l’art, qu’ils comprenaient ce qu’elles voulaient dire, elle n’avait pas de limite. C’est arrivé souvent des arrangements comme ça. Elle a été capable de vivre de son art», ajoute Lili Lussier.
N’ayant sa galerie du Petit Champlain que quelques années, elle a ensuite établi son atelier dans le grenier de sa maison. Plus tard, elle a réaménagé celui-ci dans une annexe à côté de sa maison, lui offrant plus d’espace et lui permettant d’ouvrir ses portes aux visiteurs, notamment lors des Journées de la culture.
Une artiste fonceuse
N’arrêtant jamais de se lancer dans de nouveaux projets, Mme Bussières a choisi de s’inscrire à l’Université du troisième âge de l’Université Laval, en philosophie à l’âge de 70 ans. Celle-ci l’a fréquenté durant 15 ans, jusqu’à l’âge de 85 ans. Ce parcours a d’ailleurs beaucoup inspiré son art à la suite de ses lectures, ses discussions et ses rencontres.
Toujours la tête remplie de projets et confiante de les mener à bien, Jacline Bussières a réussi à obtenir plusieurs opportunités et à faire plusieurs rencontres dans sa carrière qui l’ont marqué et aidé.
Elle a participé à de nombreuses expositions ici et ailleurs notamment à Lévis, Saint-Hyacinthe, Laval, Montréal et Québec. À l’international, ses œuvres ont voyagé en France, en Italie, en Roumanie, en Pologne et en Allemagne, lui valant même plusieurs prix et reconnaissances.
Mme Bussières a également écrit un livre racontant son histoire, sa démarche artistique et présentant plusieurs de ses œuvres en 2022.
Rencontres et voyages
Une période marquante de sa carrière et de sa vie personnelle fut la rencontre de son compagnon de vie, Jan Kirkhorn, d’origine norvégienne. Dans son livre, l’artiste écrit que «grâce à lui, j’ai connu de nombreux pays, différentes cultures et tellement de musées et de galeries d’art. Il m’a permis d’apprivoiser l’admiration et l’approbation. Il a su me faire conserver ma confiance en moi».
Un moment marquant du début de sa carrière, elle a eu la chance de recevoir l’artiste Jean-Paul Riopelle chez elle dans le but de l’amener à exposer au Lac-Saint-jean.
«Ma mère avait un tableau qui était affiché au dessus de notre foyer. Riopelle s’est retourné et l’a regardé pendant près de cinq minutes et lui a demandé qui l’avait peint. Elle a eu son go pour partir sa carrière avec le regard qu’il lui a donné», explique Lili Lussier.
Les péripéties vécues par Mme Bussières pourraient remplir un nouveau livre. Jusqu’à la dernière seconde, elle s’est impliquée dans sa carrière alors que sa fille raconte que la journée de son décès, elle a pris le temps d’aller consulter ses courriels une dernière fois en matinée, avant de recevoir l’aide médicale à mourir en après-midi, infatigable et impliquée jusqu’au bout.
Sa fille qui récupère le travail de sa mère souhaite continuer de la faire vivre en faisant découvrir son livre et ses œuvres à qui le veut bien. Elle voudrait exposer encore une fois dans sa région natale du Lac-Saint-Jean, pour respecter le souhait de sa mère qui n’a pas eu le temps de le faire.
Sa famille se recueillera le 24 août au Complexe Claude Marcoux pour recevoir les condoléances et pour la cérémonie.