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Lettre d'opinion - Je n'ai plus l'énergie du guerrier d'hiver

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Photo : Georg Eiermann - Unsplash

10 févr. 2023 11:36

J'ai commencé le déplacement utilitaire en vélo l'hiver en 2016. À ce moment-là je devais parcourir 15 km le matin et 15 km le soir pour me rendre au travail. Je me rappelle encore des premières fois. Déstabilisant et excitant. Puis, j'ai continué à l'occasion durant la saison chaude à me déplacer au boulot à vélo puisque mon employeur offre des rangements intérieurs avec douches. Tout ce qu'il faut pour être motivé à entretenir cette pratique.

Note de la rédaction : Le Journal de Lévis n'endosse aucune opinion qui est partagée dans les lettres d'opinion ou ouvertes publiées dans notre section Opinions. Les opinions qui sont exprimées dans ce texte sont celles de l'auteur signataire.

Au début, tout allait bien. J'avais un parcours sécuritaire le long du fleuve.

J'empruntais le traversier qui était fiable, mes déplacements prenaient un temps plus que raisonnable considérant le temps que ça me prenait en auto dans la circulation.

Puis, mes bureaux ont déménagé. C'est un ajout de 5 km matin et soir avec lesquels je dois m'accommoder, mais ce n'est pas un problème en soit. Le nouveau défi est accepté et relevé. De toute façon, une fois bien habitué je ne ne vois plus ça comme un défi, mais une nécessité pour ma santé physique et surtout mentale.

Je fais, entre autres, l'achat d'une nouvelle monture, pour m'aider à affronter le nouveau défi.

Rappelons, j'emprunte toujours un circuit sécuritaire en utilisant le traversier. Par sécuritaire je veux dire : les interactions avec les automobilistes sur les chemins passants sont pratiquement inexistantes sinon sécuritaires. Plus de 80 % de mon parcours de 20 km se fait sur des pistes cyclables. Je suis toujours bien et heureux de cette pratique. Je me suis même débarrassé de ma voiture. Et pour combler les moments plus difficiles occasionnels, j'utilise le transport en commun.

La pandémie arrive, en même temps que la naissance de ma fille.

Ce fut un moment bien difficile : l'isolement, l'insécurité, devenir parents, les confinements et les mesures sanitaires. Les premiers mois ont été assez difficiles. Et un des moyens que j'ai eu pour me faire du bien, c'est d'avoir pu profiter de mes sorties de vélo de montagne récréatif. J'adore avant tout faire du vélo de montagne, je ne l'avais pas encore dit. Bref, l'exercice physique quotidien procure le pouvoir et l'énergie pour affronter ce que la vie apporte.

La pandémie passée, je trippe de pouvoir amener ma fille à la garderie du quartier en vélo le matin. Je n'ai pas à faire la file avec les autres parents pour attendre le stationnement en allant déposer ma fille. Je découvre aussi les joies du vélo papa/fillette lors des fins de semaines dans les sentiers forestiers.

Mais la fin de la pandémie est venue aussi avec des changements graduels dans mon quotidien. Le parcours sécuritaire que j'avais avec le traversier ne répond plus à ma nouvelle réalité. Les départs ne sont plus aussi ponctuels qu'avant, des bateaux sont souvent annulés. Au lieu d'avoir des traverses aux 20 minutes, elles peuvent s’espacer jusqu'à 1 heure. Déjà que mon parcours est assez long, je ne peux plus me permettre de rajouter un 30 à 45 min de plus en transport à mon horaire de la journée.

Alors, j'utilise maintenant le pont de Québec. Cette option ne me rallonge pas en distance, et raccourcit même le temps de déplacement. Cependant, j'ai dû essayer plusieurs solutions de passage pour arriver à un circuit aussi sécuritaire et motivant. En période estivale, tout va bien dans son ensemble très bien même malgré certaines confrontations avec des conducteurs (chose que je ne rencontrais jamais alors que j'utilisais majoritairement des pistes cyclables).

Mais maintenant, rendu à l'hiver, je ne profite plus des pistes cyclables damées. L'accès au pont de Québec est encore plus minable que l'été. Je roule la majorité du temps dans des lanières de slush qui me détrempent, et qui me poussent de plus en plus vers le centre de la chaussée. Le circuit que j'utilise l'été comporte une portion de 200 mètres qui n'est pas entretenue l'hiver qui me force à faire un détour sur 6 km par des artères chaudes avec des automobilistes impatients. Je déteste me retrouver dans cette situation. Lorsque j'essaie d'autres parcours, je prolonge mon temps de déplacement de jusqu'à 1h30 pour pouvoir effectuer me déplacer de façon sécuritaire.

Il y a deux semaines et demie, une panne mécanique majeure sur mon vélo me force à utiliser d'autres solutions de transport.

Au même moment, la semaine suivante, le service de transport de la Rive-Sud tombe en grève. Mon option de cas de force majeur tombe à l'eau. Très déçu, mais aussi soulagé de ne pas avoir à embarquer dans un autobus bondé de monde où je dois m'assoir sur le tableau de bord du chauffeur (il n'y a aucun sarcasme intentionnel ici, c'est littéralement ça).

Je passe donc une première semaine en télétravail. Je dois à ce moment préciser que j'ai toujours préféré aller travailler au bureau. Pour moi, la maison, c'est un sanctuaire de repos et de famille. Le travail, c'est au bureau. Cependant, je dois m'adapter à la réalité du jour. Semaine suivante, combinaison de grands froids et de bonne charge de travail qui me motive à rester encore à la maison pour sauver deux heures de transport et le mettre sur l'ouvrage à la place.

Ce qui nous mène au 8 février 2023. Après presque 3 semaines sans pratiquer le vélotaf, je rembarque dans cette aventure. Et maintenant, je me rends compte qu'au fil du temps, la pratique du vélo d'hiver s'est grandement détériorée dans mon cas. Les embûches se sont succédées petit à petit. Avant, je trouvais toujours la solution et la motivation pour continuer. Mais maintenant, je réalise que je suis épuisé de me battre à contre-courant pour apprécier et profiter de ce mode de transport.

Je vais continuer à faire mes déplacements au travail peu importe les saisons. Mais le faire dans les conditions actuelles sans infrastructures sécuritaires, l'hiver une fois la grosse neige tombée, ça deviendra maintenant une pratique très très très occasionnelle puisque je le ferai seulement en faisant les grands détours, lors des journées où la charge de travail me permettra de prendre plus mon temps pour mon activité physique.

À Québec, beaucoup trop souvent, il faut être guerrier pour se lancer dans cette pratique. Aucun effort politique n'est donné pour améliorer et encourager le transport actif. Je me suis épuisé à force de me frapper aux embûches hivernales entretenues par un manque de volonté d'urbanisme. Le règlement du 1-1,5 mètre de dégagement est une belle mesure implémentée par nos politiciens pour se dégager de toute responsabilité et engagement en ce qui concerne la sécurité des usagers plus vulnérables et celle des piétons. Cette mesure est pourtant bien respectée par une majorité, c'est la minorité qui fait déficience et qui garde allumés mon incertitude et mon stress de la route en période hivernale.

Si tu as lu jusqu’ici, je prends la peine de te remercier de l'attention que tu m’as portée. Ça m'a fait du bien d'extérioriser mes états d'âmes sur une pratique que j'adorais à temps plein pendant toutes les saisons. J'ai honte d'abandonner.

Philippe Michaud

Saint-Romuald

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