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Lettre d'opinion - Alerte au fort de Beaumont

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CRÉDIT : ALEXANDRE BELLEMARE - ARCHIVES

11 nov. 2021 11:08

La préservation du patrimoine requiert du temps, des ressources et des compétences. Ainsi que de la volonté. C’est même souvent la volonté des édiles qui fait la différence. Les exemples pullulent, prenons-en deux.

La Martinière

Dans les années 1980, en pleine crise économique, la Ville de Lauzon avait la volonté de préserver un patrimoine militaire modeste, mais remarquable: le fort de la Martinière. Il avait été construit du fait des tensions géopolitiques mondiales précédent la Première Guerre mondiale.

Malgré le manque de ressources, la Ville de Lauzon a commencé par acheter le site, puis a permis à un groupe d’anciens artilleurs de le restaurer. Ces derniers ont pu bénéficier d’aides dans le cadre de programmes étudiants et de chômage. Chômage qui, rappelons-le, était très élevé à l’époque. Des équipements de Lauzon puis de Lévis (à la suite de la fusion) ont également été prêtés.

Ainsi, avec de la volonté, certains responsables font preuve d’une créativité certaine pour préserver le patrimoine.

Beaumont

En ce moment-même, la Municipalité de Beaumont semble avoir une bien faible volonté pour préserver un autre site patrimonial modeste, mais tout aussi remarquable : les vestiges du fort de Beaumont. Le Canada doit alors défendre la région de Québec face à une potentielle attaque allemande lors de la Grande Guerre.

Peu connu, car laissé à l’abandon dans un boisé pendant des décennies, les deux batteries et le dépôt à munition ont fait les manchettes cet été du fait d’un projet de développement résidentiel.

Il y a quelques années à peine, la Municipalité de Beaumont avait inclus le site dans son plan d’urbanisme. Pour des raisons qui nous échappent, en 2021, la même municipalité a décidé que seul le dépôt à munition valait la peine d’être préservé et était prête à abandonner les deux batteries en rétrocédant une partie des terrains… pourtant précédemment cédés par le promoteur.

Elle a même amorcé les démarches puisqu’une entente en ce sens a été signée avec le promoteur immobilier en mars 2021, sans résolution du conseil municipal et malgré les propos contraires du maire en août 2021 sur Radio-Canada.

Pour justifier sa position, le maire a expliqué lors du même reportage que le coût était trop élevé. Imaginez un instant : 324 000 $ minimum, juste pour le dépôt à munition!

Il y a cependant anguille sous roche: au moins les trois quarts de cette estimation n’ont aucun rapport avec la préservation du site. Il s’agit par exemple de modules de jeux pour enfants (190 514 $).

Dans un procès verbal d’août 2021, on apprend que la Municipalité a communiqué avec les responsables de divers organismes militaires et que «aucune de ces personnes [n’]a démontré de l’intérêt». Or aucun de ces organismes n’a pour mission de préserver le patrimoine, leur réponse n’est donc pas étonnante. Évidemment, aucun organisme patrimonial n’a été sondé.

Ainsi, lorsque la volonté manque, certains font manifestement preuve d’une impressionnante créativité pour effrayer le citoyen avec des coûts gonflés tout en donnant l’impression de se démener pour trouver solutions et partenaires. Alors qu’il n’en est rien.

On brasse vigoureusement de l’air, puis, triste et penaud, on se résout à abandonner une partie du site. Comme le disait Machiavel, «là où la volonté est grande, les difficultés diminuent».
Machiavel

Xavier Chambolle

Beaumont


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