Note de la rédaction : Le Journal de Lévis n'endosse aucune opinion qui est partagée dans les lettres d'opinion ou ouvertes publiées dans notre section Opinions. Les opinions qui sont exprimées dans ce texte sont celles des auteurs signataires.
Nous avons été étonnés, voir même choqués, de la décision du comité de démolition d’autoriser la démolition de la maison Guay-Turgeon construite vers 1860, une des dernières maisons de ferme sur la rue Saint-Joseph. Cette maison achetée en 2016 à des fins de spéculation foncière et vraisemblablement pour y faire un développement sur le terrain à l’arrière n’a aucunement été entretenue par le propriétaire depuis ce temps, on y voit même des arbres qui ont poussé à quelques pieds de la maison. Pourtant, cette maison était dans un état satisfaisant au moment de l’achat, car le dernier propriétaire Simon Turgeon l’habitait toujours. Encore une fois, on récompense un propriétaire négligent qui ne veut rien savoir de la valeur architecturale et patrimoniale du bâtiment, mais qui salive à l’avance des dollars découlant de la mise en valeur du terrain...
En 2024, le Comité de démolition avait refusé la démolition pour la seule raison qu’il n’y avait pas de projet de remplacement. Est-ce qu’avec un plan de construction neuve, on peut tout démolir à Lévis? Preuve est faite que dans 99 % des cas les demandes de démolition sont acceptées par ledit comité qui porte bien son nom… Le 1 %, est rarement un refus, mais plutôt un retrait de la demande par le propriétaire, comme pour le bâtiment, situé au 2489, chemin du Fleuve (secteur Saint-Romuald).
Dans le présent dossier, force est de constater que cette maison est encore solide, la perte d’authenticité évoquée (changement de fenêtres et du revêtement extérieur) n’est aucunement irréversible. D’ailleurs, dans le procès-verbal du 11 avril 2014, ledit comité reconnaît «la valeur historique et patrimoniale et la qualité du milieu environnant» et omet cette dimension dans son procès-verbal du 9 septembre 2025. Par contre, le Comité propose pour une première fois à notre connaissance au point 3 :
«Que les matériaux qui composent la charpente, les fermes de toit, les pièces de faîte et autres madriers de gros gabarit soient démontés et non démolis pour leur récupération et qu’ils soient revalorisés. À cet effet, le demandeur doit fournir les preuves du démontage, de la conservation ainsi que la revalorisation des éléments conservés». Indirectement, les membres du comité reconnaissent que cette maison a une bonne valeur historique et que les matériaux la composant sont suffisamment en bon état pour être récupérés.
Ajoutons que selon nos sources, aucun membre du Comité de démolition ou du Comité consultatif d’urbanisme en patrimoine ne se sont déplacés pour examiner l’état de la maison, cela ne fait pas sérieux… On prend à la lettre l’argumentaire du demandeur et de ses «experts».
De plus, dans le présent dossier, on note une surenchère des coûts de réhabilitation et des déficiences de la maison. En février 2024, l’expert du propriétaire, un entrepreneur-général estimait les coûts de remise en état à 360 000 $ et, en 2025, l’expert du demandeur par procuration les évaluaient à plus de 575 000 $. Quand on veut démolir on prend les moyens pour parvenir à ses fins. Pour trancher la véracité des coûts, nous proposons une contre-expertise de la Ville.
En fait, nous assistons à une demande de démolition futile, car cette maison serait restaurable par un artisan motivé. Le seul objectif du propriétaire ou de son futur acquéreur, M. Lagotte, c’est de démolir pour reconstruire une unifamiliale, plus à l’ouest et plus près de la rue Saint-Joseph, pour laisser place à une nouvelle rue afin de développer le grand terrain au sud de 12 238 m2. Preuve en est de cette affirmation du fils du propriétaire, Maxime Bertrand, qui affirmait le 7 février 2024 que son père «Hervé Bertrand avait acquis cette propriété afin de permettre à des promoteurs immobiliers, dont un autre de ses fils, de construire des maisons de ville et d’ouvrir une nouvelle rue sur le lot après la démolition de la maison du 19e siècle» (tiré de l'article d'Erick Deschênes, Journal de Lévis du 13 février 2024).
À Lévis, depuis 20 ans, une centaine de maisons à valeur patrimoniale ont été démolies dont la majorité par des promoteurs-spéculateurs; jusqu’à ce jour, le Comité de démolition n’a servi qu’à cautionner ses demandes. Il est temps pour une ville de près de 160 000 de population de revoir la composition de ce comité en y ajoutant des professionnels ou experts en bâti patrimonial.
Pour toutes les raisons ci-haut énumérées, nous demandons au conseil municipal de réviser la décision du Comité de démolition du 9 septembre 2025 d’autoriser la démolition de cette maison des familles lévisiennes Guay-Turgeon, sise au 672, rue Saint-Joseph, secteur Lauzon.
Gaston Cadrin, vice-président du GIRAM