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D'un pont à l'autre

Grouille avant que ça rouille!

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29 mars 2024 10:02

Il devient de plus en plus illogique de parler d’investir dans de nouvelles infrastructures quand on peine à préserver celles que nous avons déjà et qui jouent un rôle essentiel.

Par Steven Blaney

Dans sa préface du livre de Michel l’Hébreux sur le pont de Québec, le maire Lehouillier nous rappelait en 2020 que le «pont de Québec ne se résume pas à une infrastructure routière. C’est plutôt un symbole identitaire de première importance, qui évoque d’abord la persévérance de travailleurs, de famille et de toute une communauté pour élever un ouvrage plus grand que nature, à travers les exploits et les tragédies».

On ne saurait mieux dire. Et comme ingénieur civil, le pont de Québec revêt un caractère particulier puisqu’au terme de notre formation, nous participions au rite d’engagement de l’ingénieur dont est responsable la Société des Sept Gardiens.

C’est une coutume qui remonte à 1925, dont les symboles avaient été recommandés par Rudyard Kipling, soit un marteau, une enclume et une chaîne. C’est essentiellement un engagement solennel envers la profession qui rappelle les responsabilités professionnelles envers la société. Pendant la cérémonie, on y reçoit un jonc, le jonc d’ingénieur, qui se porte par convention sur l’auriculaire. Cette coutume s’étend à l’ensemble du territoire canadien.

«Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : Polissez-le sans cesse et le repolissez ; Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.» Nicolas Boileau, artiste, écrivain, poète et traducteur (1636 - 1711)

Or, la légende veut que ce jonc soit fabriqué avec l’acier du pont de Québec, celui-là même qui aurait été recueilli après ses deux effondrements et qui a coûté tant de vies humaines. Dans les faits, il n’en est rien. Les joncs sont dorénavant faits d’acier inoxydable. Mais c’est une croyance populaire qui persiste.

On peut le comprendre car son fondement repose sur un élément indéniable qui nous rappelle que des vies dépendent des calculs et des gestes des ingénieures et des ingénieurs, de la responsabilité professionnelle. Et en réalité, ces tragédies allaient favoriser la création d’ordres professionnels comme l’Ordre des ingénieur(e)s du Québec. Il est d’ailleurs actuellement dirigé par une femme élue par acclamation.

Mais au-delà de cette légende, Marie-Josée Turcotte , alors éditrice du magazine Prestige, nous rappelait en juin 2016 que «tous les pays du monde ont leur pont, des monuments qui servent d’emblème national». Elle nous rappelait que pour qu’il soit et demeure un objet de fierté, qu’il est essentiel qu’on «lui accorde la valeur qu’il mérite».

Mais où est passée notre fierté?

Le spectacle plutôt désolant de ce qu’on appelait le huitième merveille du monde n’est pas de nature à élever l’âme. Au contraire. Le ministre fédéral des transports, Pablo Rodriguez, déclarait récemment qu’il «est temps que ça débloque». Il se disait même «impatient». Il a entièrement raison.

Comme il est en mesure d’agir, je l’invite à agir, rapidement. Tout a été dit et écrit. Et nous applaudirons tous cet aboutissement!

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