Les engagements contenus dans la politique environnementale et la création d’une nouvelle direction des transports et de la mobilité durable nous apparaissent comme des avancées importantes pour la ville de Lévis. Il est de bon augure que notre ville se dote enfin de tels outils et qu’il en résulte des actions majeures pour la mobilité et la protection de l’environnement. Toutefois, le projet titanesque de tunnel autoroutier entre les deux rives du fleuve proposé par le gouvernement provincial et auquel adhèrent les élus de notre ville vient malheureusement gâter la sauce.
À l’instar des groupes environnementaux et de la quasi unanimité des intervenants et des chercheurs en aménagement urbain et en mobilité durable, nous sommes d’avis qu’un tunnel autoroutier entre Québec et Lévis va à l’encontre des moyens que nous devons mettre en œuvre pour améliorer la mobilité dans la ville, et entre les deux rives. Avec un tel projet, nous irions à contre-courant du bon sens en favorisant un nombre croissant d’automobiles sur les routes, en augmentant considérablement les émissions de gaz à effet de serre (GES) et en dépensant des montants faramineux issus de nos impôts qu’il serait bien plus utile et responsable d’utiliser autrement. La construction de nouvelles infrastructures routières dédiées à l'automobile relève d’une autre époque.
Par ailleurs, l’ampleur des montants annoncés lors de la présentation du Réseau express de la Capitale le 17 mai dernier semble avoir totalement occulté le fait que Lévis est le parent pauvre du futur réseau. Mis à part le tunnel, le gouvernement provincial prévoit pour le moment injecter 2,8 milliards pour fluidifier le transport dans la grande région métropolitaine de Québec. De ce montant, seulement 50 millions (l’équivalent d’un peu moins de 2 %) iront à la Rive-Sud, alors que la population lévisienne compte pour 18 % de l’ensemble de la population de la région métropolitaine.
Au lieu de dépenser dix milliards pour un tunnel autoroutier qui nécessitera des années de construction, sans apporter de réelle amélioration à long terme, pourquoi ne pas plutôt développer et implanter un plan audacieux et structurant de mobilité durable? Pour une fraction de la facture et dans un délai beaucoup plus court que le projet de tunnel, il serait possible de bonifier de façon majeure le projet de transport en commun sur le boulevard Guillaume-Couture que le Bureau de mobilité durable de la Ville de Lévis et la Société de transport de Lévis ont élaboré. À titre d’exemple, une voie réservée pour le transport en commun pourrait être conçue sur l’ensemble du boulevard Guillaume-Couture, plutôt que sur quelques tronçons comme cela est actuellement prévu au projet. D’autres mesures, telles que des stationnements incitatifs pour les automobilistes en provenance de Bellechasse, de la Beauce et de Lotbinière, pourraient être implantées rapidement. En recourant à ces stationnements incitatifs, ceux qui doivent traverser sur la Rive-Nord pourraient le faire en empruntant des circuits express d’autobus qui les mèneraient tout droit vers le pôle d’échanges de Sainte-Foy.
Nous ne nions pas l’importance de la congestion qui sévit actuellement sur les deux ponts existants. C’est l’idée de s’y attaquer par la construction d’un tunnel autoroutier que nous remettons en question. En raison du phénomène de trafic induit, il a été démontré un peu partout dans le monde que l’ajout de voies, de routes, de ponts ou de tunnels, ne résout que temporairement les problèmes de congestion routière. Après quelques années, la fluidité acquise s’estompe et la congestion réapparaît. En augmentant la capacité routière, nous favorisons l’augmentation du nombre de véhicules. Nous nous mettons la tête dans le sable en croyant que nous sommes différents des autres villes de la planète à cet égard.
De nombreuses autres questions ont été soulevées depuis l’annonce du projet de tunnel Québec-Lévis. Est-il responsable d’investir dans un tel projet alors que le Québec accuse un retard important au niveau de l’entretien de ses infrastructures routières et autres déjà existantes? Peut-on sérieusement croire que nous sommes à l'abri de l’étalement urbain et de la perte des terres agricoles lorsque l’on regarde l’histoire des dernières décennies? Ne doit-on pas plutôt investir dans l’humain pour réduire les inégalités sociales, assurer notre autonomie alimentaire, améliorer nos services de santé et d’éducation, bref, pour notre avenir?
Nous sommes des citoyens et des citoyennes de Lévis, la septième ville en importance au Québec en termes de population. Dans les prochains mois, nous allons tenter de démontrer à nos concitoyens qu’il y a des alternatives beaucoup moins coûteuses et grandement plus environnementales qu’un tunnel autoroutier de dix milliards de dollars pour résoudre la congestion entre les deux rives..Nous souhaitons que notre ville entreprenne un virage majeur en se dotant d’un plan de mobilité durable audacieux. Un tel plan doit inclure des cibles portant sur la diminution des émissions de GES et l’augmentation significative des parts modales associées aux transports collectif et actif, de même qu’un échéancier pour atteindre ces cibles. Joignons-nous aux communautés de plus en plus nombreuses impliquées dans la lutte aux changements climatiques. Ne soyons pas les derniers de classe. Soyons créatifs et ingénieux. Osons faire autrement.
Collectif Virage
Pour une mobilité autrement à Lévis