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Lettre d'opinion

L’anti-démocratisme du projet de loi 23

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Photo : Gilles Boutin - Archives

28 sept. 2023 09:25

Depuis son annonce, le projet de loi 23 (PL23) du ministre Bernard Drainville ne cesse d’accumuler les critiques de la part de l’ensemble des acteurs du réseau de l’éducation. Ces réserves sont bien connues; elles ont fait l’objet de nombreuses sorties médiatiques, dont plusieurs ont été soutenues par des dizaines, voire des centaines de personnes. Une soixantaine d'universitaires ont aussi produit un livre en ligne gratuit pour en illustrer les effets délétères. En plus du contenu du projet de loi, c’est aussi la façon cavalière dont il est mené qui est intolérable. Nous soutenons que plusieurs principes au cœur d’une démocratie sont actuellement bafoués.

Note de la rédaction : Le Journal de Lévis n'endosse aucune opinion qui est partagée dans les lettres d'opinion ou ouvertes publiées dans notre section Opinions. Les opinions qui sont exprimées dans ce texte sont celles des auteurs signataires.

Participation des citoyens et égalité

Le PL23 transformera la gouvernance et le fonctionnement du réseau de l’éducation de façon importante. Or, celui-ci a uniquement fait l’objet d’une brève consultation publique. Qui plus est, la démarche a convoqué des experts peu représentatifs d’une diversité de points de vue, notamment en formation et en recherche. La situation est d’autant déplorable que des forums citoyens ont été organisés partout au Québec au cours de la dernière année. La moindre des valorisations aurait été de considérer les idées qui en ont découlé.

Responsabilité

 Le gouvernement semble justifier son droit de mainmise sur l’ensemble des orientations du PL23 du seul fait de détenir une forte majorité en chambre parlementaire. Or, le principe de responsabilité inclut aussi celle d’agir conformément à la volonté des citoyens dans le contexte d’enjeux spécifiques. Dans le cas du PL23, on fait fi complètement de l’opposition d’une grande majorité d’acteurs qui sont directement concernés. En outre, est-il responsable de la part d’un ministre de se lancer dans un changement d’une importance aussi capitale quelques mois à peine après sa nomination?

Transparence

Le PL23 n’a jamais été annoncé comme tel par le gouvernement actuel lors de la dernière campagne électorale. Il ne figurait pas non plus parmi les priorités soumises par Bernard Drainville lors de sa récente nomination à titre de ministre de l’Éducation. En outre, on sait maintenant que le contenu du projet de loi provient de façon importante d’un rapport rédigé par un comité confidentiel composé par une poignée de personnes seulement.

Tolérance politique

 Le ministre de l’Éducation porte flan à ce principe lorsqu’il tourne au sarcasme, voire à la dérision, les gens qui émettent des réserves à l’égard du PL23. «Nous allons résister à la résistance au changement», se plaît-il à dire périodiquement, sur un ton hautain. Une telle attitude relève davantage du populisme que d’un réel intérêt à améliorer la situation en considérant la complexité des éléments en jeu.

Contrôle des abus de pouvoir

Le PL23 concentrera les pouvoirs entre les mains d’une principale personne – le ministre de l’Éducation et son ombre, l’Institut national d’excellence en éducation (INEE) – comme on ne l’a pas vu depuis longtemps au Québec. Une chaîne de commandements en cascade en découlera sur l’ensemble des acteurs du réseau de l’éducation.

Liberté

 Nombre d’orientations du PL23 brimeront les intervenants du réseau dans leur jugement professionnel et leur liberté pédagogique et académique. À titre d’exemples, on a qu’à penser à l’imposition de thèmes de formation continue aux personnels scolaires. Au pouvoir du ministre de renverser des décisions prises par une équipe-école. À la hiérarchisation des approches et résultats de recherche qui sera promue par l’INEE. À la prise de possession de l’approbation des programmes de formation à l’enseignement.

Monsieur le premier ministre, votre gouvernement fait actuellement preuve d’une gestion unilatérale tout à fait déplorable. Il est étonnant de ne pas vous voir plus sensible à la démobilisation à laquelle pourra mener une telle façon de faire de la part de votre ministre de l’Éducation. Certes, vous disposez d’une majorité confortable à l’Assemblée nationale. Toutefois, un mandat de quatre ans à la tête d’une nation démocratique ne devrait pas donner le droit d’avoir la mainmise sur un changement d’aussi grande envergure et qui impactera en profondeur une génération complète de jeunes. Prière d’ordonner à votre ministre de faire marche arrière pour qu’on puisse ensuite mieux avancer de façon collective.

Stéphane Allaire, Université du Québec à Chicoutimi
Mélanie Tremblay, Université du Québec à Rimouski
Mélanie Paré, Université de Montréal
Mylène Leroux, Université du Québec en Outaouais

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