Comme chaque année, l'auteure lévisienne Brigitte Allard nous propose un conte de Noël de sa création. Bonne lecture!
J’éteins l’alarme sur mon cellulaire. Je resterais au chaud avec Léna, mais c’est la veille de Noël. La dernière journée pour vendre mes sapins. Brr! Je vais encore geler. J’embrasse Léna et sors du lit. Après huit mois ensemble, ses lèvres goûtent encore le sirop d’érable. Nous nous sommes rencontrés à la cabane à sucre. Elle faisait partie d’un groupe de stagiaires de la Guadeloupe. Léna tire sur la couverture.
— Samuel, n’oublie pas mon sapin.
Moi, je n’y tiens pas tant que ça. J’en vends à chaque jour depuis novembre. Gêné, je réponds :
— Promis!
Au kiosque, des clients attendent déjà. Je sors les sapins. Aussitôt, je choisis le plus grand pour Léna et le mets derrière l’abri en bois.
Vers 15h, tout a été vendu! Je me prépare à mettre le sapin de Léna dans mon auto, lorsque mon ami Maxime arrive avec Jules, son garçon.
— Il te reste un sapin? demande Max.
— Non, désolé.
Jules fait la moue et montre du doigt le sapin appuyé contre ma Honda.
— Il y en a un là!
Je regarde Maxime :
— C’est celui de ma blonde.
— Viens Jules, dit son père.
Je me sens mal pour le petit. Surtout que Maxime vient de se séparer.
— Attends Max. J’appelle Léna. Elle va sûrement vous le laisser.
Après m’avoir écouté, Léna se met à pleurer. Je ne comprends pas. Elle est pire que Jules.
— Qu’y a-t-il Lénou?
Elle renifle.
— Dans ma famille en Guadeloupe, on a toujours un arbre de Noël.
C’est donc ça. Elle s’ennuie.
— Ok. Gardons le sapin.
Avant de raccrocher, j’entends Léna :
— J’ai une idée…Partageons le sapin!
— Quoi? Je leur donne la tête et on garde le reste?
Cette fois, elle rit.
— Invite-les pour le réveillon. J’ai cuisiné le jambon de ma mère.
— Mais, ils doivent avoir prévu quelque chose.
— S’il te plaît Samuel.
Je suis épuisé. Je pensais à un Noël tranquille avec Léna. Malgré tout, j’en parle à Maxime. Je suis surpris. Il accepte.
— Ça tombe bien! Jules et moi, on n’a rien. Ma sœur est en voyage à Cuba.
Maxime insiste pour payer le sapin. Nous l’installons sur ma Honda. Ils viendront dans la soirée.
***
Maxime et Jules arrivent. En voyant le sapin, le garçon bougonne :
— Il n’est pas décoré!
Léna sourit :
— Je vous attendais.
En écoutant la musique de la Guadeloupe, nous accrochons les décorations en madras fabriquées par Léna. Le tissu coloré à carreaux donne au sapin un air des Antilles. Soudain, le cellulaire de Maxime vibre. Un appel facetime de sa sœur devant un palmier.
— Il neige à Québec?
— Je suis en Guadeloupe, répond Max en regardant Léna d’un air complice.
— Tu me niaises, poursuit sa sœur. T’avais pas l’argent pour venir à Cuba.
Amusé, je réplique:
— Ça lui a juste coûté un sapin!
— Samuel est là! s’exclame sa sœur. Vous avez bu?
— Du Shrubb! répond Léna en levant son verre de rhum à l’orange.
Tout à coup, Jules s’écrie:
— Ça sent drôle!
Léna se précipite à la cuisine. Je la suis.
— Ah! Non! J’ai raté mon jambon de Noël antillais!
J’enlace Léna:
— Revenons au Québec! Je vais dégeler les pâtés à la viande. Nous mangerons à la bonne franquette.