Par Claude Genest
Dans la vie d’un enquêteur du passé, les journaux, les revues, les rapports, les procès-verbaux, la correspondance, les documents officiels, les actes notariés, les registres paroissiaux, les débats parlementaires, les photos, les études, les cartes, les sites Internet et les différents fonds d’archives représentent, en quelque sorte, le pain quotidien des historiens pour écrire l’histoire.
Au cours de mes années de pratique du métier, j’ai eu la chance, plus rare, de créer littéralement de nouveaux documents par l’entremise de l’histoire orale. Les entrevues sont un volet moins connu du métier. Elles consistent à interroger des témoins de manière structurée en vue de réaliser et de produire des documents inédits et uniques qui prennent la forme de retranscriptions complètes de l’entrevue, de résumés, de notes, d’enregistrements ou de vidéos.
Cette pratique permet d’emmagasiner des informations d’acteurs ayant joué un rôle clé et de développer la mémoire sur un ou des sujets. Chose intéressante, ces entrevues permettent aussi de bonifier et de compléter les informations disponibles sur une question et de mieux comprendre les enjeux informels qui sont souvent méconnus par les rédacteurs des sources officielles. «Les vraies décisions ne laissent pas de trace», m’avait déjà dit un vieux sage.
Au fil des années, j’ai eu le plaisir de réaliser quelques entrevues avec des acteurs de l’histoire de Lévis et d’ailleurs au Québec. Toutes ces rencontres furent fascinantes sans exception et j’en suis ressortie avec des informations que je n’aurais trouvées nulle part ailleurs. La beauté de la chose est que vous pouvez faire de même en interrogeant vos parents ou grands-parents afin de développer la mémoire familiale. La durée de ces entrevues peut varier selon les circonstances.
Pour ceux que cela intéresse, voici la procédure que j’utilise et que je vous propose. Pour réaliser des entrevues en histoire, je respecte une méthode structurée qui comprend plusieurs étapes. Les voici : identifier et sélectionner un témoin; réaliser une première rencontre avec le témoin pour échanger informellement sur les sujets qui seront abordés; la préparation d’un canevas d’entrevue à remettre au témoin quelques semaines avant le jour J pour favoriser sa préparation; la rédaction d’un questionnaire pour l’historien; la réalisation de l’entrevue enregistrée sur cassette ou sur un support numérique; la retranscription intégrale si possible; une relecture par l’historien et le témoin; une entente formelle avec le témoin concernant l’utilisation de son témoignage; la conservation d’au moins une copie papier pour le dossier et, enfin, la remise d’une copie du document final à la personne interviewée.
Cette procédure peut paraître longue, mais elle représente le chemin le plus sûr pour réaliser une bonne entrevue et ainsi développer la mémoire d’une organisation ou d’une famille. La retranscription papier et sur un support numérique, voire dans certains cas un enregistrement visuel, permettent aussi de laisser des documents qui, espérons-le, traverseront le temps avec l’aide des archivistes ou d’une personne de la famille.