Par Claude Genest
Les historiens restent attachés aux sujets sur lesquels ils ont eu la chance de se pencher. Dans mon cas, le Fort de la Martinière occupe une place spéciale, car c’est l’endroit où j’ai eu la chance d’amorcer ma carrière au tournant des années 1990 lorsque je fus embauché à titre d’étudiant par l’ancienne Association des artilleurs de la garnison. Cet été-là, le lieutenant-colonel et président fondateur de cette organisation, Gustave Préaux, et le bombardier-chef, Guy Labranche, me confient le mandat de rédiger un texte inédit sur le fort.
L’histoire du site est alors méconnue. Un historien canadien-anglais, Roger Flynn Sarty, en avait parlé dans une thèse de doctorat à l’Université de Toronto intitulée Silent Sentry : a military and political history of Canadian coast defence, 1860-1945. Quelques articles avaient traité sommairement du sujet, mais il n’existait aucune étude consacrée strictement à ce site défensif. Je me souviens encore de ma première journée de travail : M. Labranche ouvre un classeur qui contenait différentes archives que lui, Yvan Bielinski et Pierre-Paul Bouchard avaient récupérées aux Archives nationales à Ottawa.
Rapidement, le sujet capte mon attention, car cette installation de défense côtière fut active lors des deux guerres mondiales dans le but de protéger le chenal du Saint-Laurent et le port de Québec. L’été passe et voilà que je dépose un texte d’une soixantaine de pages dactylographié, comme c’est la manière de taper des textes à l’époque. Satisfait de ce premier rapport, M. Labranche me réengage l’été suivant dans le but de poursuivre la recherche.
Certains volets de l’histoire du site restaient à clarifier. Voilà qu’un bon matin, M. Labranche me donne son aval pour une semaine de recherches supplémentaires à Ottawa afin de consulter d’autres fonds d’archives. Ce voyage me permit de mettre la main sur des documents qui clarifient des étapes manquantes de sa construction. Ces archives donnent lieu à une deuxième version du texte. Grâce à une subvention du député de Lévis Jean Garon, une plaquette illustrée est publiée intitulée Le Fort de la Martinière, défenseur de Québec.
Cette période du début des années 1990 est aussi celle d’une certaine renaissance du Fort de la Martinière. Acquis par l’ancienne ville de Lauzon en 1982, le site est mis en valeur sous l’impulsion de l’Association des artilleurs de la garnison. Des travaux de restauration sont réalisés sur la structure du fort, les casemates sont étanchéifiées et le toit reconstruit. Pour marquer cette renaissance, un concert en plein air est organisé à l’été 1991 et un repas militaire protocolaire se déroule à l’automne à l’intérieur même du fort en présence du major général Roméo A. Dallaire.
Il ne fait aucun doute que le Fort de la Martinière est un site majeur du patrimoine militaire à la fois de Lévis, mais aussi de l’est du Canada à titre de site historique ayant servi lors des deux guerres mondiales du XXe siècle.