Collaboration spéciale
Moment marquant du XXe siècle, la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) n’est pas qu’un événement qui se déroule outre-mer. Bien sûr de nombreux Lévisiens combattent en Europe, entre autres, au sein du valeureux Régiment de la Chaudière, mais le conflit a eu ses effets ici notamment avec le réarmement du fort de la Martinière pour la défense côtière.
Ajoutons à cela l’effort industriel accompli pour le compte de la Marine royale canadienne au Chantier Davie avec la construction de nombreux navires, tels que «des corvettes, des dragueurs de mines et des frégates», comme le souligne une brochure historique produite par l’ancien chantier MIL Davie Inc.
De l’autre côté du fleuve, la ville de Québec est aussi le lieu de deux conférences très importantes regroupant les États-Unis, la Grande-Bretagne et, à titre de pays hôte, le Canada. C’est dans ce cadre qu’un train spécial entre à la gare de Charny, le 10 août 1943. À son bord, on ne retrouve nul autre que sir Winston Churchill, premier ministre anglais. Il est accompagné par le premier ministre canadien, William Lyon Mackenzie King.
Il va sans dire qu’un événement aussi important capte l’imagination des habitants de la région de Québec. Dès le 13 août, l’hebdomadaire de la Rive-Sud, Le Canadien, publie un article qui raconte que Churchill, Roosevelt et King «ont été invités par les autorités municipales à venir en notre ville. Les distingués visiteurs profiteraient de cette occasion pour visiter les chantiers maritimes de Lauzon qui comptent parmi les plus importants du pays». Dans les faits, il apparaît que l’invitation n’est pas encore formellement envoyée.
Quelques jours plus tard, le 17 août 1943, deux missives officielles du maire de Lévis, J-Adélard Bégin, sont adressées coup sur coup aux deux leaders alliés. Les lettres sont reproduites dans Le Canadien du 27 août et elles contiennent une invitation «à faire une visite à l’Hôtel de Ville de Lévis».
C’est le secrétaire particulier de Churchill, C.R. Thompson, qui répond le premier le 19 août et décline l’invitation. Trois jours plus tard le 22 août, c’est au tour de l’attaché naval du président Roosevelt, Wilson Brown, de refuser en soulignant que «les nombreuses discussions» qui découlent de la conférence de Québec ont monopolisé énormément de temps au président Roosevelt «qu’il lui est impossible d’accepter».
Malgré ces refus polis, les Lévisiens sont toutes oreilles pour cet événement et Le Canadien du 13 août nous apprend que «la maison J.L. Demers Ltée» a fait «de magnifiques décorations» en l’honneur de Churchill. Le vent ayant tourné en Europe, on prépare aussi en coulisses la reconversion de l’économie régionale de l’après-guerre.
À preuve, un éditorial du journal Le Canadien du 20 août 1943 salue la création du «comité d’après-guerre du district de Québec» où la ville de Lévis est représentée par les hommes d’affaires Hervé Baribeau et Hugh Weyman. En fin de compte, peu de choses filtrent des discussions de Québec, on apprendra plus tard l’ampleur des décisions prises, notamment en vue de libérer la France l’année suivante tout comme l’intégration des programmes nucléaires britannique et américain.