Par Renaud Labrecque
Dans les prochains mois, tous les élus municipaux devront suivre obligatoirement une formation en éthique et déontologie dans un délai maximal de six mois pour les nouveaux élus et de neuf mois pour les vétérans. Mais soyons honnêtes : ce n’est pas la formation qui crée l’intégrité. Ce n’est pas un module de quelques heures qui transformera un élu négligent en gestionnaire exemplaire. Les faits le démontrent semaine après semaine : rapports accablants, manquements répétés, décisions douteuses, procédures bâclées. Le problème ne vient pas du citoyen, souvent présenté comme exigeant ou toxique. Le problème provient trop souvent de l’appareil municipal lui-même, un écosystème où élus et fonctionnaires manquent parfois de rigueur, de courage ou de professionnalisme.
Les chiffres de l’Autorité des marchés publics (AMP) sont révélateurs. En 2025, plus de 400 entreprises ont été ajoutées au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA). Aujourd’hui, plus de 2 000 entreprises sont bannies de tout appel d’offres public au Québec. Ce n’est pas anodin. Cela montre qu’une proportion importante d’entreprises ne respecte pas les standards d’intégrité minimaux attendus pour bénéficier de l’argent public. Les municipalités doivent donc impérativement hausser la surveillance lorsqu’elles octroient des contrats.
Choisir le meilleur prix conforme n’est pas un choix politique : c’est une obligation légale, administrative et morale. Une municipalité ne peut justifier l’octroi d’un contrat à un entrepreneur plus cher simplement parce qu’il est local. Si une entreprise située à plusieurs heures de route offre un prix plus compétitif, c’est un signal qu’il faut analyser. Le véritable enjeu n’est pas la provenance géographique du soumissionnaire, mais la compétitivité réelle entre ceux-ci. Les municipalités doivent se demander : favorisons-nous des pratiques dépassées? Ferme-t-on les yeux par confort ou par manque de connaissance? Ou pire, par crainte de bouleverser certaines habitudes? La vraie question est : comment un entrepreneur à trois heures de route peut-il réaliser le même projet pour moins cher que l’entrepreneur local à cinq minutes, pourtant privilégié?
Pendant ce temps, élus et fonctionnaires municipaux cherchent des coupables externes à la hausse des coûts : inflation, rareté de main-d’œuvre, États-Unis, décisions des paliers supérieurs. Par choix, ils évitent de regarder ce qu’ils contrôlent réellement : leurs propres décisions. L’explosion des coûts ne peut pas toujours être imputée à des facteurs externes. Ultimement, vous acceptez les prix et vous avez le pouvoir de dire non. Une grande partie du problème repose sur la capacité des municipalités à exercer un contrôle rigoureux sur leurs dépenses et priorités.
Avant de dépenser l’argent des citoyens, il faut se poser trois questions essentielles :
• Cette dépense est-elle absolument nécessaire?
• Puis-je la justifier devant mes citoyens en toute transparence et sans gêne?
• Investirais-je ce montant si c’était mon propre argent?
Lorsque la réponse nécessite une réflexion, le refus devrait être automatique. Sans hésitation : c’est non!
Les exemples récents montrent que certaines municipalités se sont éloignées de cette discipline. Des projets dérapent, coûtent beaucoup trop cher ou ne répondent pas à la mission municipale, mais plutôt à des idéologies :
• Une toilette extérieure pour plus de 80 000 $. C’est irresponsable!
• Une signalisation intérieure pour la mairie à près de 50 000 $. C’est irresponsable!
• L’achat massif de suces pour bébés pour plus de 2 millions de dollars, destiné aux jeunes familles. C’est irresponsable!
Ces décisions ne relèvent ni de la saine gestion publique ni des compétences d’une municipalité. Elles fragilisent les finances locales, déjà mises à rude épreuve.
Avant de critiquer les obligations des gouvernements supérieurs, rappelons qu’ils financent une grande partie des investissements municipaux. Il est donc logique qu’ils exigent reddition de comptes, transparence et résultats, n’en déplaise aux profiteurs idéologiques des fonds publics. Soyons honnêtes : si certaines municipalités manquent de revenus, ce n’est pas seulement à cause des coûts ou du manque de financement gouvernemental. C’est aussi parce qu’elles se sont éloignées de leurs compétences essentielles, multipliant les dépenses idéologiques, les projets superflus et les programmes relevant d’autres juridictions. Cette tendance doit cesser.
2026 doit être une année de recentrage : revenir aux bases : infrastructures, services essentiels, planification, gestion responsable du portefeuille des citoyens. Une année où l’on accepte enfin de se regarder dans le miroir, un miroir qui renvoie parfois des vérités difficiles, mais nécessaires.
Si les municipalités veulent regagner la confiance des citoyens et assurer leur viabilité financière, ce travail d’introspection n’est plus facultatif : il est incontournable. Les citoyens n’ont plus confiance au palier municipal, et les taux de participation aux élections le prouvent. Se vanter d’un maigre 50 % de participation, c’est applaudir un patient encore en vie après un grave accident, alors qu’il reste dans un coma artificiel.
Pour commencer 2026 sur le bon pied, rappelons une réalité trop souvent oubliée : la majorité d’entre vous n’a pas été élue par la majorité des citoyens et, pour certains, même pas par la majorité de ceux qui ont voté. Votre part du gâteau est simplement plus grande que celle des autres, mais elle ne représente ni la totalité ni, dans plusieurs cas, la portion majoritaire.
Agissez avec respect, mesure et responsabilité. Assurez-vous que chacun ait sa place à la table et que tout le monde puisse manger.
Cette chronique fait partie de notre section Opinions, qui favorise une pluralité d'idées. Elle reflète l'opinion de son auteur, pas celle du Journal de Lévis.